Hamlet, le prince danois de Shakespeare, se promène sur la scène du ‘Volkstheater’ à Vienne en jeune femme intelligente qui traverse les époques. La metteuse en scène d’origine brésilienne Christiane Jatahy, qui s’est déjà fait un nom aussi bien au théâtre qu’au cinéma, éclaire le drame avec un fort accent féminin.
HAMLET – DANS LES PLIS DU TEMPS (Foto: Simon Gosselin)
Clotilde Hesme a su rendre compréhensible la pensée de Hamlet, malgré les violents méandres du temps. La metteuse en scène, qui a également créé un décor impressionnant dans lequel l’ensemble live se mêle habilement aux enregistrements cinématographiques, voit Hamlet au féminin et confie ce rôle à Hesme de manière plus qu’idéale. Vêtue d’un pantalon noir stylé, elle revendique sa féminité dans son apparence androgyne, sans que cela n’ait d’autres conséquences sur la suite des événements. Qu’il s’agisse d’elle ou de lui, la tristesse, la colère et la volonté de justice restent les mêmes, quel que soit le sexe qui vit ces sentiments, et ce message est bien exprimé dans la transcription du rôle de Jatahy.
Hamlet transmet sa douleur et sa colère pour le meurtre de son père dans sa famille de manière si radicale qu’il n’en reste finalement pas une seule pierre debout. Furieuse, grandiose, intense, vulnérable et blessante en même temps, cette jeune femme, dans son implacable emportement, se pose pourtant à plusieurs reprises la question la plus importante pour elle : pour être juste, faut-il être cruel ? Par ses débordements émotionnels, elle ne se contente pas de tendre un miroir à la société pourrie et chic qui l’entoure. Elle accuse et menace, elle est impardonnable, mais en dernier ressort, elle se retourne contre elle-même.
Ophélie, Isabel Abreu, semble dès le départ extrêmement menacée par sa frêle silhouette. Elle est d’autant plus surprenante qu’elle affirme à plusieurs reprises que l’image imposée de la femme qui souffre a fait son temps et qu’elle ne sera plus une victime. Elle est déjà morte trop souvent lors des derniers siècles, maintenant, c’est assez, postule-t-elle avec assurance pour réinterpréter son rôle. Abreu allie de manière particulière autant la force qu’un rayonnement très éthéré. Comme Hamlet, elle n’est pas prête à accepter la société telle qu’elle est. La seule qui n’est pas consciente que la génération qui la suit veut changer la façon dont le monde est organisé par le patriarcat, c’est Gertrude, la mère de Hamlet.
HAMLET – DANS LES PLIS DU TEMPS • Hamlet – in den Falten der Zeit (Foto: Simon Gosselin)
Servane Ducorps joue une épouse et surtout une reine matrone dont le mari vient de décéder. Elle ne peut et ne veut apparemment rien imaginer d’autre que de continuer à jouer ce rôle, même si elle doit désormais le faire aux côtés de son ancien beau-frère. On remarque que c’est avec Gertrude que la réalisatrice a le moins de points de contact, car elle reste pâle dans ses motivations, à l’exception de celles liées au maintien de son statut, et n’arrive pas à la cheville de Hamlet ou d’Ophélie, ni émotionnellement ni intellectuellement.
Tom Adjibi (Güldenstern), David Houri (Rosenkranz), Tonan Quito (Polonius), Matthieu Sampeur (Claudius) et Loïc Corbery, qui apparaît au début de manière fantomatique dans une vidéo comme père de Hamlet, constituent la distribution masculine. Tous ne se rendent pas compte qu’ils sont toujours au pouvoir, mais qu’ils l’exercent d’une manière dépourvue de tout sens moral. Cette société d’hommes agit comme elle l’a toujours fait : prendre le pouvoir et le garder, quel qu’en soit le prix, même si cela implique des milliers de vies humaines. Des images d’actions guerrières, comme celles qui se déroulent actuellement en Ukraine, et des images connues de récentes inondations, ainsi que le lieu lui-même – un grand salon avec une kitchenette ouverte de luxe et une vue à travers d’imposantes baies vitrées sur le jardin adjacent avec de vieux arbres – placent également la tragédie de Shakespeare à notre époque
HAMLET – DANS LES PLIS DU TEMPS • Hamlet – in den Falten der Zeit (Foto: Simon Gosselin)
La réalisatrice demande beaucoup à sa troupe, mais tout autant à son public. Sans connaître l’œuvre originale, certains peineront à suivre l’action. Mais, les personnes averties pourront se réjouir des nombreuses réinterprétations scéniques. Le fait que le texte reste en grande partie dans son diktat d’origine crée simultanément une tension et un pont entre les siècles. Présenté en français et en portugais, surtitré en allemand et en anglais, il n’en acquiert pas moins des nouvelles nuances, intéressantes et inédites. Les intermèdes musicaux de Gertrude et de Hamlet sont divertissants. Des tubes de Sinéad O’Connor, Nina Simone ou Gilbert Bécaud viennent étayer les propos avec une atmosphère de spectacle et, simultanément, de nombreux clins d’œil. Le fait que Hamlet doive accepter à un moment donné un jeu de mots sur l’omelette, le plat à base d’œufs cassés, fait également partie de l’humour contemporain qui, à certains moments, éclipse la tragédie. C’est ce qui se passe à chaque fois que Hamlet fait entendre sa voix comme Dark Vador, au grand désarroi de sa famille, mais pour le plus grand plaisir du public.
HAMLET – DANS LES PLIS DU TEMPS (Foto: Simon Gosselin)
La référence habituelle actuelle qui consiste à faire référence au théâtre lui-même dans le théâtre, n’est pas non plus absente chez Christiane Jatahy. L’idée de faire jouer la famille de Hamlet et leurs amis Güldenstern et Rosenkranz sur scène, dans leur cage dorée, comme une troupe d’acteurs, est amusante. Malgré les nombreuses idées de mise en scène inhabituelles, ou plutôt à cause de cette multitude, l’étincelle d’implication émotionnelle ne se propage pas réellement au public. Le sentiment que la réalisatrice s’est trop effilochée — comme on dit en Autriche — n’apparaît pas seulement à la fin. Il y a trop souvent des niveaux méta qui détournent l’attention de l’action et qui empêchent de se sentir vraiment concerné par le destin des personnes.
Mais, il y a aussi des exceptions temporaires. Clotilde Hesme, Isabel Abreu et, dans l’une de ses dernières apparitions, Matthieu Sampeur (Polonius) nous touchent par l’intensité de leur jeu. Ce dernier convainc par son attaque irascible, presque physique, contre Hamlet, dans laquelle il apparaît explicitement qu’il ne peut rien contre la perspicacité de la jeunesse et ses exigences de vérité et de justice. Au contraire, celui-ci lui inspire une peur dont il ne peut plus se défendre. La coproduction avec l'<em>Odéon</em>-<em>Théâtre</em> de l’Europe de Paris, malgré toutes les critiques que l’on peut faire à la mise en scène, laisse une nouvelle vision de la tragédie de Shakespeare. Pas seulement une vision légitimement plus féminine. Au contraire, Jatahy montre de manière impérativement logique que Hamlet est un personnage qui, malgré une capacité de réflexion maximale, ne peut pas échapper à ses pulsions intérieures, voire les utilise, doit consciemment les utiliser contre lui-même et la société. Le public l’a remercié par des applaudissements adéquats : pas exubérants, mais pas non plus avares.
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Bouchra Ouizguen fait partie depuis quelques années du programme des tournées des partenaires de la danse contemporaine. La France et la Belgique y jouent un rôle prépondérant, mais l’idée de soutenir des productions à l’échelle internationale trouve de plus en plus d’écho dans le monde des festivals de notre pays.
Bien qu’elle en soit aujourd’hui à sa septième production, elle est une frontalière dans le domaine de la danse contemporaine. Dans les interviews, elle raconte régulièrement que ni elle ni ses danseurs n’ont suivi de formation correspondante. Ce qui caractérise son travail, ou plutôt le début de son travail sur ce projet, c’est la recherche de personnes qui maîtrisent encore les formes traditionnelles de la chanson et de la danse.
Dans « Elephant », Ouizguen s’est fixé pour objectif de faire monter la danse et la musique marocaines sur scène pour les arracher à l’oubli et à la disparition. Pour ce faire, elle a choisi comme métaphore l’éléphant, une espèce menacée qui aura peut-être déjà disparu au siècle prochain.
Avec trois autres protagonistes – une jeune femme et deux femmes plus âgées qui ont déjà collaboré avec Ouizguen – elle a présenté le résultat de ses recherches musicales et dansées dans le cadre du programme des Wiener Festwochen à l’Odéon. Chez elle, le matériel trouvé est transformé de manière intuitive et créative en une pièce d’une heure. Une pièce qui ne se contente pas de montrer la tradition, mais qui l’enveloppe d’un nouveau manteau.
Mais avant que leur spectacle ne commence par la danse, le sol de la scène est d’abord nettoyé par deux femmes à l’aide de grands draps de sol. Ensuite, elles montent sur scène avec deux autres danseuses, non plus comme des femmes de ménage mais en tenue de cérémonie, pour nettoyer l’espace à l’aide d’encens. Il est clair que ce qui va être montré se déroule en partie dans le domaine rituel. En effet, un être dansant apparaît, coiffé d’un couvre-chef multicolore dont le pourtour est garni de cordes de raphia clair. Bientôt, il virevolte à travers la pièce.
Contrairement au tout début, la musique n’est pas enregistrée. Ce sont désormais les femmes elles-mêmes qui chantent en direct sur scène. Des litanies aux multiples strophes forment l’essentiel de l’action musicale. Elles trouvent un écho chez les autres, à partir d’une chanteuse principale, et sont rythmées par elles à l’aide de djenbes, des petits tambours de bongo. Ce cadre musical reste le même pendant toute la représentation, mais les différentes scènes dansées changent. On assiste à un intermède soliste, présenté par la plus jeune femme, qui, fouettée par la musique qui s’accélère, s’effondre, épuisée. Mais les femmes se produisent également dans une impressionnante chorégraphie de groupe.
Elle constitue le point culminant artistique de la performance. Conçue comme une improvisation de contact, elle est pourtant tout sauf improvisée. Après avoir tiré des vêtements hors champ – ce qui peut être compris comme une métaphore saisissante de la mort humaine – et entonné une litanie de lamentations, les trois danseuses se regroupent en un seul organisme. Elles le déplacent à travers la salle dans des combinaisons sans cesse renouvelées à l’aide de techniques de levage. On a ainsi l’impression qu’elles se tiennent l’une l’autre dans leur tristesse et leur douleur et qu’elles ne se laissent jamais tomber. Il s’agit d’une scène très émotionnelle et parlante. Elle montre des personnes dans une situation exceptionnelle qu’elles ne peuvent surmonter qu’en se soutenant mutuellement. La manière dont ils se lient les uns aux autres, dont ils se laissent tomber dans les autres, dont ils sont tirés ou poussés par eux, dont ils ne tombent pas à terre dans leur douleur articulée à haute voix, mais dont ils se soutiennent et se tiennent mutuellement encore et encore, est également à lire au plus haut degré de manière métaphorique.
Le mélange de musique traditionnelle et de nouvelle chorégraphie ne semble pas artificiel à ce moment-là, mais tout à fait naturel. Il permet au public de réfléchir bien au-delà de ce qui se passe dans la danse. Le fait que le travail de Bouchra Ouizguen se retrouve presque automatiquement dans un contexte culturel et historique plus large rend son œuvre intéressante pour d’autres disciplines comme la musicologie, l’anthropologie culturelle ou la sociologie.
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Ils sont immobiles, allongés ou assis sur un lit, devant, mais aussi à côté, sur le sol de la scène. La pièce est blanche et semble stérile, à l’exception d’un désordre de journaux et de morceaux de papier sous la couchette. Il y a sept jeunes en tout, qui n’échangent pas un mot entre eux. Alors que le public cherche encore sa place, les jeunes gens restent immobiles – jusqu’à ce que l’on se rende compte qu’il ne s’agit pas d’êtres humains, mais de poupées grandeur nature. Celles-ci sont la marque de fabrique de la chorégraphe, artiste et metteur en scène franco-autrichienne Gisèle Vienne. De 1996 à 1999, elle a étudié la marionnette à l’École supérieure nationale des arts de la marionnette de Charleville-Mézières et a utilisé dès le début des marionnettes ainsi que des éléments chorégraphiques dans ses travaux scéniques.
L’ÉTANG / DER TEICH a été présenté pour la première fois l’année dernière à la Ruhrtriennale et a été présenté cette année en première autrichienne au Wiener Festwochen. La pièce, basée sur un texte de Robert Walser ainsi que sur des passages de Vienne elle-même, a été réalisée par la créatrice de théâtre dans un langage formel très original. Les deux actrices, Adèle Haenel et Henrietta Wallberg, s’approchent ou s’éloignent l’une de l’autre – à quelques moments près – au ralenti. Des mouvements isolés, comme l’allumage d’une cigarette, durent une éternité et produisent une sensation de temps que les gens ressentent souvent dans des situations d’exception où ils sont menacés. Ce qui dure quelques secondes en temps mesuré s’étend à l’infini, alors que l’on sait que c’est précisément à ces moments-là que se produisent des événements graves que l’on ne peut plus fuir.
Ce sont précisément ces moments que Vienne raconte à travers les personnages de Robert Walser. Elle transpose dans notre présent l’histoire de Fritz, un adolescent qui fait semblant de se noyer uniquement pour que ses parents prennent enfin conscience de son existence. Adèle Haenel se glisse dans ce rôle, mais aussi dans celui de sa sœur et de son frère. Elle le fait toujours dans la même tenue, mais avec des voix différentes. Le fait qu’il faille s’habituer à ce changement au début est intentionnel. Il se produit parfois en quelques secondes, surtout lorsqu’il s’agit de dialogues. Mais au fur et à mesure que l’action progresse, on commence à mieux distinguer les différents personnages. Dès sa première apparition, Henrietta Wallberg donne le sentiment d’être une mère extrêmement dominatrice, dont le style d’éducation fonctionne en grande partie avec des coups et de la dureté. On ne comprendra que peu avant la fin du spectacle qu’elle est elle-même une victime de la violence dans son mariage.
La référence contemporaine n’est pas seulement obtenue par les costumes (Gisèle Vienne, Camille Queval, Guillaume Dumont). Dans une scène, il apparaît clairement que Fritz se défonce à la drogue uniquement pour que « ça s’arrête enfin ». « Ça », ce sont les insultes et les châtiments corporels dont il est victime et contre lesquels il ne peut pas se défendre. A cela s’ajoute le climat empoisonné entre les frères et sœurs, qui ne s’aident pas entre eux, mais qui doivent au contraire lutter chacun pour leur propre place dans la famille.
Une stratégie d’éclairage sophistiquée (Yves Godin) plonge sans cesse la pièce dans différentes couleurs. Tout comme le ralentissement des mouvements et l’accompagnement sonore, cela a un effet presque hallucinogène. On obtient ainsi une illusion dont on ne sait pas si ce que l’on voit se passe réellement ou si ce sont plutôt des bribes de souvenirs traumatiques de Fritz. La dernière image, dans laquelle la mère entre dans la chambre de manière menaçante – comme au début – plaide en ce sens. La boucle est lancée, l’horreur à laquelle Fritz est exposé semble sans fin.
Le lieu de la représentation, le Jugendstiltheater am Steinhof, fait le reste pour stimuler encore plus le propre cinéma de l’esprit. Ce n’est pas seulement le mémorial érigé devant le bâtiment pour les enfants qui ont été tués dans cette zone pendant l’époque nazie. C’est aussi le fait que l’on commence soudain à se douter qu’à quelques mètres du théâtre se trouvent peut-être des personnes qui doivent être traitées ici en raison d’événements traumatisants survenus dans l’enfance et l’adolescence. L’horreur qui est montrée ici sur scène a lieu dans la vie réelle et se répercute directement sur l’environnement immédiat. Ce n’est pas un destin individuel que subit Fritz, comme le montrent, on ne le comprend qu’après coup, les sept poupées. L’une après l’autre, elles ont été transportées de la scène vers le hors-champ par un homme portant des gants de cuir noir, sans aucune émotion. Le fait de soulever les corps inanimés, comme s’il s’agissait de sacs lourds, mais aussi les gants de cuir noir, illustrent le déséquilibre de pouvoir entre l’homme et les jeunes.
Les moments de perturbation, qui laissent toujours planer des incertitudes sur la compréhension de ce qui vient d’être montré, permettent en même temps des moments d’identification hautement empathiques avec Fritz. Il n’y a rien dans son monde auquel il puisse se raccrocher, mais beaucoup de choses qui le déstabilisent profondément. Le jeu intense d’Adèle Haenel et le fait que l’adolescent sombre finalement dans la folie y contribuent énormément.
L’étang peut être vécu à plusieurs niveaux. On peut s’engager dans la pièce uniquement sur le plan émotionnel et ressentir ce que les images, les textes, la musique et le son provoquent en soi. Mais, on peut aussi analyser les scènes a posteriori et conclure que l’on montre ici quelque chose dont on ne parle pas, parce qu’une telle chose « ne doit pas être ». Giséle Vienne a réussi un travail à la hauteur de l’esthétique théâtrale contemporaine et séduit par une mise en scène intelligente aussi des prestations d’acteurs exceptionnelles.
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Des fauteuils en tubes d’acier avec des tresses en plastique sont alignés sur la scène du hall E du quartier des musées, comme s’ils attendaient un public. Sur le mur de droite se trouvent des constructions de lampes massives à plusieurs bras, équipées de lustres en cristal datant des 200 dernières années. Du lustre Biedermeier à une variante design sphérique de nos jours, tout est représenté. Tels de lourds fruits suspendus à des branches artificielles, ils attirent également l’attention sur le fait que la domination du domaine russe où se déroule « la Cerisaie » d’Anton Tchekhov a duré plusieurs générations.
Au fond de la scène, à droite, un petit groupe de personnes se rassemble. Il s’agit de la troupe du metteur en scène Tiago Rodrigues, qui a convoqué les acteurs et actrices de différents pays européens pour sa mise en scène du classique de la scène russe. « C’est la première fois que je choisis la troupe pour interpréter des rôles très précis », a expliqué le futur directeur du festival d’Avignon lors de la discussion avec le public qui a suivi la première. La première représentation a eu lieu en 2021 à Avignon, le Wiener Festwochen est l’un des dix autres partenaires de coopération qui présenteront encore la pièce. Les photos présentées ici proviennent de la mise en scène d’Avignon. La scène du Museumsquartier était toutefois totalement différente, non seulement du point de vue de l’éclairage, mais aussi et surtout en raison de l’ambiance moderne. Dans ses travaux précédents, dont trois ont déjà été présentés au Festival de Vienne ces dernières années, le metteur en scène portugais avait développé les rôles en collaboration avec la troupe. Au départ, il voulait voir comment il pouvait traiter Tchekhov, mais il s’est vite rendu compte que pas une seule phrase ne devait être différente de celle que l’écrivain avait formulée. « Tout est parfait dans ce texte, il serait présomptueux d’y ajouter ou d’en retrancher quelque chose », a-t-il ajouté.
En partant de son personnage favori, la maîtresse de maison Lioubov, pour laquelle il a réussi à convaincre Isabelle Huppert, il a formé autour d’elle une équipe diverse avec quelques People of Color. Selon Rodrigues, cela n’était toutefois pas lié à une idée dramaturgique. Ce n’est qu’au cours des répétitions que lui et la troupe se sont rendu compte que cela ouvrait une fenêtre d’interprétation particulière à un moment donné.
Le décor de Fernando Ribeiro reste en place tout au long de la pièce, mais il est modifié et déplacé au fil du temps. Bientôt, les chaises sont rassemblées en un grand tas, symbole du changement qui s’opère dans le manoir autour duquel se trouve la belle cerisaie. Dans cette pièce, Tchekhov décrit la chute de l’époque féodale avec son servage et l’avènement d’un nouveau système dans lequel ceux qui ont de la chance et des compétences peuvent se libérer de la pauvreté. Ce bouleversement, qui a complètement modifié le système social, est efficacement mis en évidence par Ribeiro. A la fin, les grandes constructions de lampes ne se trouveront plus le long de la scène à droite, mais à gauche, et on ne verra plus de chaise au milieu de celle-ci. Le pouvoir qui, après le règne des tsars, s’est déplacé en Russie de la droite politique vers la gauche et, en même temps, le vide d’un ordre social qu’il fallait d’abord combler – tout cela résonne de manière grandiose dans ce décor.
Au début de la soirée, Adama Diop introduit toutefois la pièce de Tchekhov en quelques mots et raconte brièvement sa genèse. Il incarne ensuite avec brio le rôle de Lopakhine, l’homme dont les parents et les grands-parents étaient encore serfs au domaine de Lioubov. Devenu riche, c’est lui qui finira par l’acheter aux enchères. La rupture du « quatrième mur » n’est pas seulement perceptible au début du spectacle. De nombreux monologues sont adressés par les actrices et les acteurs non pas à leur interlocuteur personnel, mais directement au public. Avant le début du quatrième acte, Diop le fait encore une fois pour faire remarquer que la pièce aurait pu s’arrêter là – après la vente aux enchères du domaine. En fait, Tchekhov n’a ajouté le dernier acte que plus tard, car il ne voulait pas que « La Cerisaie » soit un drame, mais une tragi-comédie. Ainsi, après le grand crash financier, mais aussi psychique, qui a touché toutes les personnes ayant été en relation avec le domaine, il a pacifié l’action par une scène d’adieu. L’avenir de tous les participants est certes incertain, mais tous partent néanmoins pleins d’espoir et se dispersent aux quatre vents. Seuls Lioubov, qui doit se rendre compte que l’époque insouciante où elle dépensait de l’argent est révolue une fois pour toutes pour elle et que la maison de ses parents est perdue, et le vieux serviteur Firs, qui a perdu sa raison de vivre, le service, et qui reste désormais seul, sont les seuls à ne plus avoir de lueur d’espoir.
Tiago Rodrigues ajoute à l’action un autre niveau, monumental et musical, avec lequel il sépare habilement les différentes scènes et les accompagne en partie. Manuela Azevedo et Hélder Gonçales rockent non seulement la scène mais aussi la salle avec un piano de scène, des sons de batterie et une guitare électrique, déplaçant ainsi en même temps le récit dans le présent. Le metteur en scène place les personnages à la limite de la commedia dell’arte. Lorsqu’ils sont heureux, ils sont déchaînés, sautent, bondissent et exultent. De grands gestes, mais aussi des moments forts et émotionnels, qu’Isabelle Huppert en particulier sait apporter avec brio, caractérisent ce jeu. Il est fascinant de voir comment elle parvient à passer en un instant d’une femme survoltée et pleine de vie à une femme profondément endeuillée par la mort de son fils. Cette émotion fortement ressentie se transmet instantanément au public et met en même temps en évidence le grand talent d’actrice de Huppert.
Elle n’est pas en reste avec Marcel Bozonnet, qui joue le vieux serviteur Firs. Habillé comme Freddie Frinton en tant que domestique dans le sketch mondialement connu « Dinner for one » et agissant également avec son habit maladroit, il touche les spectateurs de la première à la dernière apparition. Par la seule couleur de sa peau, Adama Diop crée finalement ce tournant dans l’interprétation qui permet de voir la pièce sous un angle entièrement nouveau. Tiraillé entre la colère et la rage qui résultent de l’histoire de sa famille et son nouveau rôle de propriétaire terrien qu’il n’arrive pas encore à saisir, il vit des hauts et des bas psychologiques qu’il n’est pas vraiment en mesure d’assumer. Dans sa justification furieuse de l’achat du domaine, il y a énormément de cette violence coloniale dont la plupart des anciennes colonies européennes souffrent encore aujourd’hui.
Cette approche interprétative – même si elle n’était pas prévue à l’origine – ne peut pas être ignorée dans l’examen critique de la mise en scène. Elle résonne fortement, provoquée par notre esprit contemporain, dans lequel l’art en particulier doit apporter une contribution importante à l’assimilation de ces événements criminels, inhumains et d’exploitation. Il est bien connu que ce sont toujours les lunettes des observateurs eux-mêmes qui contribuent à juger les événements de manière individuelle. Le fait que les ensembles divers soient encore l’exception dans les théâtres en Autriche contribue fortement à cette vision. Si l’approche d’une pièce peut prendre une nouvelle tournure rien qu’avec la couleur de peau d’un acteur, on peut en déduire l’ampleur du retard à rattraper en matière de diversité sur nos scènes.
Isabel Abreu, Tom Adjibi, Nadim Ahmed, Suzanne Aubert, Océane Caïraty, Alex Descas, David Geselson, Grégoire Monsaingeon ainsi qu’Alison Valence – tous, sans exception, sont cités pour l’intensité de leur interprétation.
Le respect du texte original de Tchekhov, l’ajout d’une forte composante musicale, une troupe dans laquelle chacun et chacune a été plus que convaincant et le fait que le bouleversement social présenté soit facilement transposable à notre époque font de cette mise en scène un spectacle très mémorable.
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« Una imagen interior » du duo de théâtre espagnol El Conde de Torrefiel, présenté dans le cadre des Wiener Festwochen au Museumsquartier, est l’une de ces mises en scène désormais plutôt rares dans le paysage scénique contemporain off-mainstream, face auxquelles la critique se demande, comme Hans Moser autrefois dans son rôle de serviteur : « Comment nemma denn den ? » Car on a beau tourner et retourner la réflexion, il n’est pas facile de rendre vraiment justice à la pièce dans son appréciation.
Le contenu est rapidement raconté. Lors de la visite au musée d’histoire naturelle, qui est marquée sur scène, le narrateur ou la narratrice s’occupe longuement de la reproduction d’une peinture rupestre préhistorique. Le texte qui se forme alors dans la tête de celui qui contemple l’art est rendu visible au public au moyen d’un texte lumineux en anglais et en allemand. Les acteurs sur scène ont été en partie recrutés parmi la population viennoise. Aucun d’entre eux, pas même la troupe elle-même, n’est obligé de parler. Ils ne dansent pas non plus. Tels des personnages de rêve, ils se promènent sur scène dans trois scènes au total – chacune avec un éclairage différent – et bougent de temps en temps les lèvres.
Au début, une grande peinture sur plastique, peinte dans le meilleur style de drip painting à la Jackson Pollock, est soulevée du sol de manière à être bien visible sur toute la scène. C’est un substitut symbolique de l’artefact préhistorique qui devient le point de départ des réflexions intrinsèques. Les lignes indiquent que le support a été replié après l’application de la peinture afin de former un ensemble de formes en miroir. Des femmes et des hommes passent devant le tableau en le contemplant ou s’arrêtent pour l’observer de plus près. L’enregistrement sonore laisse entendre qu’il a été réalisé dans une grande salle réverbérante, comme celles des grands musées du Ring.
Après une longue énumération de contributions philosophiques contemporaines sur le thème de la réalité, de sa perception et de sa remise en question, on passe à une ambiance de supermarché. Là, les acheteurs se promènent le long de rayons imaginés et se parlent tout au plus lorsqu’ils ne trouvent manifestement pas un produit.
Au cours de ce défilé, on se rend compte que l’homme ne peut être ramené à son existence originelle, au-delà de la civilisation technique, que par le largage d’une bombe. Une prise de conscience qui, à la fin de la pièce, culminera de manière anecdotique dans une idée idéalisée du bonheur à la Rousseau. Pour Tanya Beyeler et Pablo Gisbert, les maîtres d’œuvre d’El Conde de Torrefiel, le retour à la nature signifie manifestement le retour à une humanité dans laquelle il vaut à nouveau la peine de vivre dans une communauté heureuse.
Mais avant que cette promesse de salut ne devienne claire pour le public, des inserts sonores bruyants sont diffusés dans une disposition scénique dystopique, avec des vibrations de basse si rythmées que ces oscillations, qui se transmettent aux gradins, deviennent physiquement perceptibles. Les claquements et les fracas, les vrombissements et les trépignements imitent un moment apocalyptique qui précède le bonheur retrouvé sur terre. Il est renforcé par un projecteur éblouissant qui éblouit le public, de sorte que pendant le collage sonore, aucun stimulus visuel ne peut perturber l’action auditive du monstre.
L’époque où l’homme de consommation s’adonnait seul à la fièvre acheteuse est toutefois révolue. Si la scène où l’on pousse un chariot de supermarché semblait déjà interminable, il en va de même pour la scène post-apocalyptique qui suit. Les survivants de la catastrophe se retrouvent soit en petit groupe pour se parler ou se livrer à des mouvements de danse minimaux, soit ils campent autour d’un foyer artificiel électrifié. Retour à la case départ, pour ainsi dire. Seule une suggestion de « danse autour d’un veau d’or » – sous la forme d’une grosse pépite d’or – montre que même après un processus de quasi-extinction, les désirs de l’homme ne changeront pas.
Il était évident que la fin de la mise en scène se terminerait par la peinture d’une bâche en plastique blanche au moment où celle-ci a été étalée sur le sol. La projection de gouttes de couleur sur la toile devient une expérience collective, au cours de laquelle des instructions sont données par des signes de la main ou un accord est donné par un hochement de tête. Il ne fallait pas non plus oublier de replier le tableau pour créer l’effet de miroir que présentait la première image.
Voilà pour la partie narrative de « Und imagen interior » – l’image à l’intérieur.
La mise en scène donnait l’impression que le recours à la boîte à magie du théâtre post-dramatique ne fonctionnait que de manière limitée dans le cadre de ce développement de pièce à caractère régional. On sentait trop l’effort de vouloir mettre en place tous les ingrédients qui font le succès d’un tel format. On a eu l’impression que l’on procédait à la manière d’une liste à cocher à remplir, comme par exemple : « Je ne sais pas ce que j’ai fait » : Participation du public local – nous l’avons fait ; implication d’une institution culturelle locale connue – nous l’avons fait ; intégration de nos idées dans un cadre pseudo-scientifique – nous l’avons fait ; passage de la frontière entre événement théâtral et performance musicale – nous l’avons fait ; irritation du public (remarque : irritation supposée du public) par le contre-jour – nous l’avons fait. Mais tout cela a tout simplement oublié ce qui fait vraiment un bon théâtre : transmettre une histoire ou des idées au public de manière à ce que celui-ci soit touché émotionnellement. Conclusion : plus de cœur et moins de tête auraient fait du bien à la représentation, tout comme l’abandon d’une représentation clichée et enfantine d’une cohabitation heureuse dans ce monde, dans un état prétendument naturel.
Le fait qu’aucun texte ne soit imprimé dans le dépliant destiné au public sous la devise ‘lire la suite sans papier!’, mais seulement un code QR à partir duquel on trouve un texte, un portrait de la troupe, ainsi qu’une courte interview vidéo, est, espérons-le, l’exception et non la règle pour les futurs dépliants du programme.
Cet article a été traduit automatiquement par deepl.com
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C’est un scintillement et un bourdonnement, un chant et un balancement. C’est une célébration et un deuil, une pause et une course. C’est hier et aujourd’hui, le rêve et la réalité. C’est féminin et masculin et tout ce qui se trouve entre les deux, l’été et l’hiver, l’intérieur et l’extérieur.
Tout cela, c’est TUMULUS – une collaboration artistique entre le chorégraphe, danseur et auteur François Chaignaud et le chef d’orchestre Geoffroy Jourdain. Les Wiener Festwochen 2022 ont débuté avec ce projet transgenre dans le Museumsquartier, qui réserve un défi particulier à l’ensemble, puisque les danseurs sont également des chanteurs. Certes, ces derniers sont habitués à utiliser leur corps dans des conditions extrêmes lors de productions scéniques, par exemple lorsqu’ils doivent chanter en hauteur ou dans des positions inhabituelles. Mais dans la production française, le chant et la danse se côtoient et s’affrontent de manière équivalente.
La scène est dominée par un tumulus, une tombe en forme de colline, qui présente au centre deux petites entrées. (Scène Matthieu Lorry Dupuy) Cette architecture de tumulus est conquise de temps à autre avec élan et en courant, mais aussi de manière réfléchie au pas de charge cérémoniel. Les gens en descendent en glissant avec plaisir, comme le font les enfants qui se balancent sur les pentes en plein air. Mais les corps roulent aussi de la colline, comme s’ils étaient inanimés, pour atterrir ensuite sur le sol de la scène, immobiles.
Les scènes ne se distinguent pas seulement par des chorégraphies et des musiques différentes. À l’exception de la « Musique pour la fin » de Claude Vivier datant de 1971, Geoffroy Jourdain utilise de la musique Renaissance de Jean Richafort et William Byrd, ainsi qu’un Dies Irae d’Antonio Lotti et de la musique de Josquin Desprez, tous deux intelligemment adaptés par Jourdain pour la pièce de danse. La musique sacrée choisie crée en soi un ton méditatif, qui atteint toutefois un sommet sensuel avec Claude Vivier. Dans sa pièce, l’ensemble est assis face au public, en ligne le long du bord avant de la scène. Petit à petit, un chœur de voix délicates se développe avec un texte répétitif. La microtonalité utilisée et les passages de texte répétitifs provoquent un état d’expérience flottant. Il s’ensuit un sentiment de perte de temps, une oscillation entre un hier, un aujourd’hui et un demain inconnu. L’accompagnement rythmique se fait par des trépignements et des claquements de mains, par des claquements de doigts ou de langue, mais aussi par des bruits de respiration très audibles. De cette manière, on ne ressent jamais le besoin d’un accompagnement orchestral. Ce qui est produit en direct sur scène par l’ensemble contient tout ce qui est nécessaire pour une expérience musicale satisfaisante.
La sensation que l’action ne peut être classée dans aucune époque particulière, qu’elle a plutôt une validité intemporelle, est également renforcée par les costumes. Romain Brau utilise aussi bien des éléments à la mode actuelle comme des manteaux et des capes surpiqués que des hauts simplement drapés, à l’aspect archaïque, ou des lacets de jambes. Une procession qui défile sur la colline se distingue par des couvre-chefs originaux et oscille, par ses poses, entre les danseuses de temple asiatiques, les représentations égyptiennes de rites funéraires tels qu’on les connaît dans les pyramides et un répertoire de mouvements de danse contemporains. Le dernier spectacle, où les torses sont présentés nus, fait ressentir la vulnérabilité des personnes. Le fait d’être à la merci de son environnement, mais aussi de son destin, dont l’issue est toujours fatale, suscite des sentiments de besoin de protection et d’empathie.
Le concept de Tumulus crée un équilibre constant entre les époques, qui se retrouve dans la musique, la danse et le décor. Cela confère à la production son propre charme et son caractère. Sans parler des belles voix qui sont utilisées dans un voicing finement harmonisé et qui constituent en soi une expérience de concert.
Lors des applaudissements, le public viennois a pu applaudir tous les participants et, grâce à l’apparition de François Chaignaud, il a également eu un petit aperçu de la façon dont sa personnalité résonne dans Tumulus. Son impressionnant coup de chapeau imaginaire pendant sa révérence – un geste de respect autrefois réservé à la cour – a fait l’effet de la dernière pièce du puzzle qui couronne le travail collectif intense accompli auparavant.
Sur scène, on a dansé et chanté : Simon Bailly, Mario Barrantes, Florence Gengoul, Myriam Jarmache, Evann Loget-Raymond, Marie Picaut, Alan Picol, Antoine Roux-Briffaud, Vivien Simon, Maryfé Singy, Ryan Veillet, Aure Wachter, Daniel Wendler