Des fauteuils en tubes d’acier avec des tresses en plastique sont alignés sur la scène du hall E du quartier des musées, comme s’ils attendaient un public. Sur le mur de droite se trouvent des constructions de lampes massives à plusieurs bras, équipées de lustres en cristal datant des 200 dernières années. Du lustre Biedermeier à une variante design sphérique de nos jours, tout est représenté. Tels de lourds fruits suspendus à des branches artificielles, ils attirent également l’attention sur le fait que la domination du domaine russe où se déroule « la Cerisaie » d’Anton Tchekhov a duré plusieurs générations.
Au fond de la scène, à droite, un petit groupe de personnes se rassemble. Il s’agit de la troupe du metteur en scène Tiago Rodrigues, qui a convoqué les acteurs et actrices de différents pays européens pour sa mise en scène du classique de la scène russe. « C’est la première fois que je choisis la troupe pour interpréter des rôles très précis », a expliqué le futur directeur du festival d’Avignon lors de la discussion avec le public qui a suivi la première. La première représentation a eu lieu en 2021 à Avignon, le Wiener Festwochen est l’un des dix autres partenaires de coopération qui présenteront encore la pièce. Les photos présentées ici proviennent de la mise en scène d’Avignon. La scène du Museumsquartier était toutefois totalement différente, non seulement du point de vue de l’éclairage, mais aussi et surtout en raison de l’ambiance moderne. Dans ses travaux précédents, dont trois ont déjà été présentés au Festival de Vienne ces dernières années, le metteur en scène portugais avait développé les rôles en collaboration avec la troupe. Au départ, il voulait voir comment il pouvait traiter Tchekhov, mais il s’est vite rendu compte que pas une seule phrase ne devait être différente de celle que l’écrivain avait formulée. « Tout est parfait dans ce texte, il serait présomptueux d’y ajouter ou d’en retrancher quelque chose », a-t-il ajouté.
En partant de son personnage favori, la maîtresse de maison Lioubov, pour laquelle il a réussi à convaincre Isabelle Huppert, il a formé autour d’elle une équipe diverse avec quelques People of Color. Selon Rodrigues, cela n’était toutefois pas lié à une idée dramaturgique. Ce n’est qu’au cours des répétitions que lui et la troupe se sont rendu compte que cela ouvrait une fenêtre d’interprétation particulière à un moment donné.
Le décor de Fernando Ribeiro reste en place tout au long de la pièce, mais il est modifié et déplacé au fil du temps. Bientôt, les chaises sont rassemblées en un grand tas, symbole du changement qui s’opère dans le manoir autour duquel se trouve la belle cerisaie. Dans cette pièce, Tchekhov décrit la chute de l’époque féodale avec son servage et l’avènement d’un nouveau système dans lequel ceux qui ont de la chance et des compétences peuvent se libérer de la pauvreté. Ce bouleversement, qui a complètement modifié le système social, est efficacement mis en évidence par Ribeiro. A la fin, les grandes constructions de lampes ne se trouveront plus le long de la scène à droite, mais à gauche, et on ne verra plus de chaise au milieu de celle-ci. Le pouvoir qui, après le règne des tsars, s’est déplacé en Russie de la droite politique vers la gauche et, en même temps, le vide d’un ordre social qu’il fallait d’abord combler – tout cela résonne de manière grandiose dans ce décor.
Au début de la soirée, Adama Diop introduit toutefois la pièce de Tchekhov en quelques mots et raconte brièvement sa genèse. Il incarne ensuite avec brio le rôle de Lopakhine, l’homme dont les parents et les grands-parents étaient encore serfs au domaine de Lioubov. Devenu riche, c’est lui qui finira par l’acheter aux enchères. La rupture du « quatrième mur » n’est pas seulement perceptible au début du spectacle. De nombreux monologues sont adressés par les actrices et les acteurs non pas à leur interlocuteur personnel, mais directement au public. Avant le début du quatrième acte, Diop le fait encore une fois pour faire remarquer que la pièce aurait pu s’arrêter là – après la vente aux enchères du domaine. En fait, Tchekhov n’a ajouté le dernier acte que plus tard, car il ne voulait pas que « La Cerisaie » soit un drame, mais une tragi-comédie. Ainsi, après le grand crash financier, mais aussi psychique, qui a touché toutes les personnes ayant été en relation avec le domaine, il a pacifié l’action par une scène d’adieu. L’avenir de tous les participants est certes incertain, mais tous partent néanmoins pleins d’espoir et se dispersent aux quatre vents. Seuls Lioubov, qui doit se rendre compte que l’époque insouciante où elle dépensait de l’argent est révolue une fois pour toutes pour elle et que la maison de ses parents est perdue, et le vieux serviteur Firs, qui a perdu sa raison de vivre, le service, et qui reste désormais seul, sont les seuls à ne plus avoir de lueur d’espoir.
Tiago Rodrigues ajoute à l’action un autre niveau, monumental et musical, avec lequel il sépare habilement les différentes scènes et les accompagne en partie. Manuela Azevedo et Hélder Gonçales rockent non seulement la scène mais aussi la salle avec un piano de scène, des sons de batterie et une guitare électrique, déplaçant ainsi en même temps le récit dans le présent. Le metteur en scène place les personnages à la limite de la commedia dell’arte. Lorsqu’ils sont heureux, ils sont déchaînés, sautent, bondissent et exultent. De grands gestes, mais aussi des moments forts et émotionnels, qu’Isabelle Huppert en particulier sait apporter avec brio, caractérisent ce jeu. Il est fascinant de voir comment elle parvient à passer en un instant d’une femme survoltée et pleine de vie à une femme profondément endeuillée par la mort de son fils. Cette émotion fortement ressentie se transmet instantanément au public et met en même temps en évidence le grand talent d’actrice de Huppert.
Elle n’est pas en reste avec Marcel Bozonnet, qui joue le vieux serviteur Firs. Habillé comme Freddie Frinton en tant que domestique dans le sketch mondialement connu « Dinner for one » et agissant également avec son habit maladroit, il touche les spectateurs de la première à la dernière apparition. Par la seule couleur de sa peau, Adama Diop crée finalement ce tournant dans l’interprétation qui permet de voir la pièce sous un angle entièrement nouveau. Tiraillé entre la colère et la rage qui résultent de l’histoire de sa famille et son nouveau rôle de propriétaire terrien qu’il n’arrive pas encore à saisir, il vit des hauts et des bas psychologiques qu’il n’est pas vraiment en mesure d’assumer. Dans sa justification furieuse de l’achat du domaine, il y a énormément de cette violence coloniale dont la plupart des anciennes colonies européennes souffrent encore aujourd’hui.
Cette approche interprétative – même si elle n’était pas prévue à l’origine – ne peut pas être ignorée dans l’examen critique de la mise en scène. Elle résonne fortement, provoquée par notre esprit contemporain, dans lequel l’art en particulier doit apporter une contribution importante à l’assimilation de ces événements criminels, inhumains et d’exploitation. Il est bien connu que ce sont toujours les lunettes des observateurs eux-mêmes qui contribuent à juger les événements de manière individuelle. Le fait que les ensembles divers soient encore l’exception dans les théâtres en Autriche contribue fortement à cette vision. Si l’approche d’une pièce peut prendre une nouvelle tournure rien qu’avec la couleur de peau d’un acteur, on peut en déduire l’ampleur du retard à rattraper en matière de diversité sur nos scènes.
Isabel Abreu, Tom Adjibi, Nadim Ahmed, Suzanne Aubert, Océane Caïraty, Alex Descas, David Geselson, Grégoire Monsaingeon ainsi qu’Alison Valence – tous, sans exception, sont cités pour l’intensité de leur interprétation.
Le respect du texte original de Tchekhov, l’ajout d’une forte composante musicale, une troupe dans laquelle chacun et chacune a été plus que convaincant et le fait que le bouleversement social présenté soit facilement transposable à notre époque font de cette mise en scène un spectacle très mémorable.
Ce texte a été traduit automatiquement avec deepl.com
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