Quatre femmes et un homme

Quatre femmes et un homme

La première représentation de « canvas » de la compositrice slovène Nina Šenk et de la librettiste Simona Semenič a été présentée. Šenk a reçu après la représentation le prix du concours de composition d’opéra Johann-Joseph-Fux qu’elle avait remporté avec cet opéra.

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« canvas » (Foto: ORF musikprotokoll/Martin Gross)

Le film raconte l’histoire de quatre femmes qui, sans le savoir, aiment le même homme. Celui-ci passe de l’une à l’autre comme bon lui semble et tente de manœuvrer et de retenir les femmes dans des dépendances affectives. Ingo Kerkhof – professeur de KUG en représentation dramatico-musicale (interprétation scénique) a assuré la mise en scène, Katharina Zotter s’est occupée des décors et Gerrit Prießnitz était responsable de la direction musicale.

L’orchestre était placé contre le mur gauche de la salle, le chef d’orchestre était dos au mur et avait ainsi une vue sur l’ensemble instrumental ainsi que sur les chanteuses. Une plate-forme tournante carrée, recouverte de tissu blanc et haute de quelques centimètres, marquait la zone sur laquelle on jouait et chantait. De plus, les chanteuses agissaient à tour de rôle à un bureau situé sur le bord droit de la scène, face au public.

Les étudiantes se sont glissées dans différents rôles et ont notamment mimé une partie d’ouvrières d’usine. Dès le début, une jeune fille a vécu sa mort tragique sur une civière d’hôpital. Son alter-ego a chanté ce processus comme si la mourante se regardait mourir. Les circonstances exactes qui ont conduit à cette mort n’ont pas été élucidées – les spéculations à ce sujet peuvent clairement être individuelles.

Le livret séduisant, composé de phrases courtes et concises, avec des répétitions et des expressions parfois grossières, a offert à la compositrice une grande quantité de nourriture émotionnelle qu’il s’agissait de transposer sur le plan sonore. Šenk a réussi à faire entendre les voix au premier plan et à n’utiliser la partie instrumentale qu’en soutien.

L’orchestre ne joue un rôle beaucoup plus important que dans un passage où il est question d’un abus sexuel. Dans cette partie, le texte est en grande partie parlé et l’acte de violence est illustré par la fureur des instruments qui produisent des bruits de craquement et de cliquetis. Dans cette scène, toutes les femmes se tiennent immobiles, vêtues de noir, sur l’estrade et attendent dans cette position jusqu’à ce que l’une d’elles murmure : « I have to be quiet when it’s time to be quiet ». Cette phrase est reprise par les autres, qui la transforment en un chant chuchoté qui se glisse sous la peau.

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« canvas » (Foto: ORF musikprotokoll/Martin Gross)

Les différents personnages ont été bien mis en valeur – des femmes mariées qui ont peur que leur liaison soit découverte, une jeune fille qui demande à Dieu de la délivrer, une ouvrière d’usine qui voit dans l’homme l’accomplissement suprême, une dame qui commence à se sentir à nouveau jeune grâce au bonheur d’aimer. Le womanizer lui-même – également représenté par l’une des femmes – n’entre que brièvement en jeu et n’est montré ni séduisant ni violent. Seule une femme se trouve en dehors de la spirale de l’amour. Elle est annoncée comme une grosse Italienne qui arrive sur scène sans chanter et repart. C’est la seule qui ne semble pas être dépendante sur le plan émotionnel, mais qui, au vu de la description de son corps, devrait exercer une forte attirance sexuelle.

La compositrice utilise des quatuors, mais aussi des arias en solo, et a marqué les changements de scène par de forts bruits de respiration, amplifiés par microphone. C’est l’équilibre particulièrement réussi entre la parole et la musique qui rend cette représentation si particulière. La projection du texte anglais sur un grand écran derrière les chanteuses a été utile, mais aussi bien gérée d’un point de vue esthétique. De plus, ces dernières, étudiantes à l’université de musique de Graz, étaient toutes parfaitement disposées.

Melis Demiray, Lavinia Husmann, Laure-Cathérine Beyers, Marija-Katarina Jukić, Ellen Rose Kelly, Christine Rainer et Ana Vidmar peuvent être félicitées pour leur magnifique prestation.

Janáček dans l’église

Janáček dans l’église

Un opéra d’une durée de trois quarts d’heure seulement doit avoir un livret qui résume habilement une intrigue qui s’étend sur plusieurs semaines. Or, le texte de Leoš Janáček pour son opéra ‘Katia Kabanova’ est un peu bancal. Cela vient peut-être du fait qu’il a lui-même réduit le texte à un condensé d’un drame du russe Alexander Nikolaevitch Ostrowski (1823 – 1886), ce qui n’explique pas vraiment le caractère de certains personnages qui y apparaissent. Ostrowski a publié son drame sous le titre « Orage » en 1859, ce qui est remarquable dans la mesure où l’écrivain a fait de l’hypocrisie de la société en matière d’adultère et de désir sexuel, ainsi que de la soumission à un système familial, les thèmes principaux de sa pièce. Peu connu chez nous, il fait partie des grands de la littérature russe et a exercé une forte influence sur Léon Tolstoï.

Largeur d’interprétation ou confusion?

L’œuvre a été créée à l’Opéra de Graz le 18 mars 2023, pour laquelle l’équipe de la metteuse en scène Anika Rutkofsky a encore compliqué l’intrigue déjà un peu bancale par quelques idées de mise en scène, si bien qu’au final, la question se pose : Quelle est la marge d’interprétation, combien de références mythologiques, combien de réinterprétations de l’action une pièce peut-elle supporter pour rester compréhensible ? Il s’avère que parfois, les grands efforts ne mènent pas toujours au but.

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« Katja Kabanova » de Leoš Janáček à l’Opéra de Graz ( photo : © Werner Kmetitsch)


Ce qui amène la critique à son cœur. Le metteur en scène place l’action dans un environnement ecclésiastique, plus précisément à l’intérieur d’une église de village orthodoxe. Dikoj (Wilfried Zelinka), qui était encore un commerçant chez Ostrowski et Janáček, devient le pope de la paroisse, et son neveu Boris, qui lui a été confié, son novice. (Arnold Rutkofski) L’idée de placer l’histoire dans un contexte religieux orthodoxe repousse loin du public de Graz le véritable message, à savoir que toute société est hypocrite et cherche des boucs émissaires. Au contraire, depuis le fauteuil rouge en peluche de l’opéra, cette constellation incite à pointer du doigt un système qui « ne se présente pas ainsi chez nous ».

Dès les premières minutes, après le lever de rideau, on assiste à l’effacement par un homme sur une échelle du symbole communiste de la faucille sur un vitrail, qui sera remplacé plus tard par une effigie de la Vierge. L’horizon temporel dans lequel se déroule le drame est ainsi clarifié. On se trouve apparemment peu après l’effondrement de l’URSS. Devant l’intérieur de l’église s’étend un mur carrelé de bleu avec une entrée semblable à celle des piscines. Dans le deuxième acte, cette piscine s’agrandira encore d’une petite pièce qui servira de descente d’amour. Le programme donne ici des explications : « L’espace scénique d’Eleni Konstantatou – une église-piscine – rend le changement de système visible sur le plan architectural : il s’inspire de l’église Saint-Pierre d’une paroisse protestante proche de la perspective Nevski, qui a été transformée en piscine sous le communisme. Aujourd’hui, la messe est à nouveau célébrée sur le bassin couvert, la pierre d’autel rappelant encore le plongeoir ».

La réduction du propos de la pièce par le cadre religieux orthodoxe

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L’hypocrisie de la société, qu’Ostrowski mettait en évidence dans son drame, est ravalée dans la version de l’opéra de Graz à une bigoterie dans laquelle il n’y a de place ni pour une illumination religieuse profondément croyante ni pour une confession publique de sa propre faillibilité.

Katia Kabanova (Marjukka Tepponen), la jeune épouse de Tikhon (Matthias Koziorowski), est entièrement sous la coupe de sa belle-mère despotique, qui ne laisse pas son fils s’éloigner de la laisse maternelle. Lorsque celui-ci doit quitter le village pendant deux semaines, sa femme pressent un malheur. Elle sent que sa sexualité, non assumée jusqu’alors, sera l’occasion d’une trahison conjugale. En effet, il ne lui faut que quelques heures pour se donner à Boris, le neveu de Dikoj, qui ne pouvait jusque-là que l’admirer de loin.

Dans la scène où les deux jeunes gens se rencontrent, la scène se déroule de manière libérée, avec toutes sortes de variantes d’accouplement présentées en parallèle. Les costumes montreront plus tard que les membres de la communauté religieuse, qui se signent constamment à l’église, ne connaissent manifestement la morale que par ouï-dire.

L’excellente musique de Janáček comme bouée de sauvetage

Autant le livret et la mise en scène en eux-mêmes semblent flous, autant la musique de Leoš Janáček, dirigée par Roland Kluttig, leur fait face de manière bienfaisante. À côté de sons effervescents avec des cuivres durs et profonds qui annoncent le malheur, il y a des passages extrêmement lyriques qui plongent profondément dans différents états d’âme. Katja Kabanova elle-même est dotée de plusieurs airs magnifiques, que Tepponen interprète avec de plus en plus d’éclat au fil de la représentation. Il convient également de souligner son jeu d’actrice pour cette jeune femme. Toutes les émotions, tous les événements qu’elle rapporte parviennent au public avec authenticité. Les motifs de chansons populaires que le compositeur a attribués au personnage de Kudryash (Mario Lerchenberger) sont également magnifiques à entendre. Ces mélodies intimes placent le rôle de séducteur à sang froid qu’il incarne à Graz dans la catégorie des séducteurs sophistiqués, ce qui fait qu’elles ne peuvent être perçues comme charmantes qu’au premier abord.

Dans la technique de composition de Janáček, il est souvent facile de comprendre le son des mots prononcés et des phrases entières. Ainsi, le rôle de la belle-mère (Iris Vermillion) de Katia comporte des passages durs et anguleux, dans lesquels est prononcée la phrase « L’humanité veut être trompée ». En revanche, de petites cascades de mélodies qui montent et descendent font entendre ces oiseaux que Katia chante en pensant à quel point elle aimerait être libre. Ils reviennent cependant une fois, juste avant que la jeune femme, rejetée par la société, ne choisisse de se suicider. Le fait que Tikhon, le mari de Katja, soit finalement victime du lynchage social, car il se révèle homosexuel dans la version de Graz, est également une idée de mise en scène d’Anika Rutkofsky.

Le pot-pourri de costumes de Marie Sturminger laisse entrevoir une société qui, d’origine rurale, n’a rien du chic de la haute bourgeoisie moscovite. Seuls l’habit d’apparat du pope et le costume du dimanche d’une blancheur éblouissante de Kabanicha, la méchante belle-mère, donnent de l’éclat à la pièce et, par là même, à ses prétentions à l’autorité.

Un excellent ensemble assure la réussite de la soirée

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Sur le plan musical, l’ensemble est extrêmement homogène et de haut niveau. Il n’y a pas de dérapage vers le bas, ce qui est très bon pour le spectacle. Outre ceux déjà cités, Mareike Jankowski dans le rôle de la belle-sœur et Martin Fournier dans le rôle de Kuligin se distinguent ici. C’est la performance des chanteurs et de l’orchestre qui fait de cette soirée à l’Opéra de Graz un événement. Même si l’on peut discuter vivement de la mise en scène en elle-même.

Cet article a été traduit automatiquement avec deepl.com

Chornobyldorf – un regard en arrière et un en avant

Chornobyldorf – un regard en arrière et un en avant

Dans l’obscurité de la salle, une voix d’homme se fait entendre. Elle raconte que ce qui est dit est en fait la fin d’une lettre ; une lettre qui n’a jamais été envoyée, mais qui sera pourtant écrite un jour. Peu après, sa voix est accompagnée visuellement par une femme dont le portrait apparaît sur une vidéo. Alors que l’homme parle et récite un long poème en ukrainien, elle commence à s’exprimer avec des onomatopées dans une langue artificielle inconnue. Bien que – à moins de parler ukrainien – vous ne puissiez pas suivre le contenu de la voix de l’homme ni savoir exactement ce que la femme veut dire, vous avez le sentiment que ce qui est censé être transmis ici résulte d’expériences qui sont douloureuses.

En effet, le titre « Chornobyldorf. Archeological opera » indique déjà qu’une des références de ce nouvel opéra est la tragédie de Tchernobyl. La combinaison avec l’appendice substantif ‘dorf’ s’est faite parce que l’ensemble a visité Zwentendorf et ses environs au début de l’œuvre. La centrale nucléaire autrichienne, qui n’a jamais été mise en service, et celle d’Ukraine, dont la construction a débuté en 1970, avant même l’indépendance du pays, ont incité les créateurs ukrainiens à imaginer une vision globale du thème des centrales nucléaires et de leurs effets dystopiques ; quel que soit l’endroit où elles se trouvent, ces piles représentent une menace transfrontalière pour l’humanité.

L’opéra se déroule entre le 23e et le 27e siècle, à une époque où nous sommes déjà entrés dans l’histoire et où nous aurons disparu. Il part de l’hypothèse d’une catastrophe mondiale, dans laquelle les survivants doivent reprendre conscience de leur identité. Dans un avenir où de nouveaux rituels seront créés et où, pourtant, tout ce qui se passe entre les gens dans les sociétés fait appel, consciemment ou inconsciemment, à des modèles historiques.

Les sept chapitres, qui s’enchaînent sans pause mais de manière reconnaissable, sont intitulés : Elektra, Dramma per musica, Rhea, The little Akkorden girl, Messe de Chornobyldorf, Orfeo ed Euridice et Saturnalia. Ainsi, les deux compositeurs Roman Grygoriv et Illia Razumeiko reprennent d’une part de grands mythes grecs qui sont devenus le premier terreau de la production artistique européenne. D’autre part, ils font directement référence aux traditions musicales slaves. Cette imbrication artistique, qui utilise des styles musicaux différents, montre clairement que les personnes qui se trouvent sur scène et tous ceux qui ont travaillé sur cet opéra se considèrent comme appartenant profondément à l’Europe. Le débat actuel sur l’adhésion de l’Ukraine à l’UE trouve une légitimité quasi culturelle et historique dans les références historiques qui sont faites ici. Mais ce qui fait l’Europe, l’individualité des pays et les différentes ethnies qui s’y trouvent, sont également exprimées avec véhémence. Les citations historiques et musicales – transformées en images sonores modernes – sont régulièrement remplacées par des chansons populaires de Bosnie-Herzégovine et d’Ukraine. Des chants de lamentation mais aussi de mariage sont entonnés et chantés dans leur mélodie typique. Des lignes à l’unisson se séparent en une micro-tonalité brièvement audible, vieille de plusieurs siècles et pourtant nouvelle et fraîche. Les secondes qui s’en détachent, presque pures, et les sauts de septième qui les suivent renforcent l’expression émotionnelle et douloureuse. Des accords mahlériens chantés en chœur et une fugue de Bach qui semble s’emballer, laissent une trace historique dans le cœur de l’Europe qui, du baroque au siècle dernier, a littéralement donné le ton.

Tout cela est accompagné d’une foule de nouveaux matériaux sonores : des sons de cordes étranges, des rythmes variés, parfois très accentués, joués sur une structure de percussion composée de différents objets trouvés (Evhen Bal), ainsi que des ajouts électroniques qui font entendre des ambiances de vent ou un grondement menaçant et indéfinissable.

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Village de Chornobyl (photo : Anastasiia Yakovenko eSel)

Une succession rapide d’images, soutenue par des inserts vidéo montrant de fragiles figures humaines dans des paysages ukrainiens, de fréquents changements de personnages et de costumes ainsi que la création d’alternances émotionnelles, provoquent une multitude d’événements théâtraux qui vous submergent comme un tsunami. En même temps, on est tellement entraîné dans l’action, parfois somnambulique, qu’il est difficile de faire passer ses capacités cognitives avant ses propres sensations fortes.

Le « couronnement » presque surréaliste mais hautement romantique d’une jeune accordéoniste, soutenu par une vidéo qui élargit l’espace, est suivi de sons et d’images religieux. Un Agnus Dei approprié, chanté dans une structure harmonique classique, est interrompu par un autre, tout aussi explosif et punk. On se retrouve comme sous le choc, ici et maintenant, dans un état où le romantisme n’a plus sa place. La mise au tombeau d’Euridice, le lamento de son Orphée est transposé dans une chorégraphie très imagée, où la nudité des participants met particulièrement en valeur leur fragilité et leur besoin de protection. Le tout se termine par une orgie saturnienne autour d’un portrait de Lénine en carton retourné.  Tout ce qui s’est accumulé auparavant en termes de sentiments et de souffrances inexprimables, tout ce dont il est difficile de parler, se dissout dans cette scène sauvage et exubérante, dans laquelle on aimerait bien se joindre à la danse. Le fait que la fin, avec son bruit de vent, rappelle le début de la production, peut symboliser un cycle éternel. Un cycle dans lequel l’humain existentiel est finalement vécu encore et encore, mais aussi réinventé, voire à réinventer. Lorsque rien n’est plus comme avant, il faut recourir à ce qui sommeille au plus profond de l’être humain, mais aussi à ce qui le caractérise en tant qu’être vivant sur terre. C’est un être qui se reforme et s’adapte en permanence, tout en gardant en lui ses racines supposées coupées.

Aucun des artistes n’aurait imaginé, lorsque l’opéra a été créé, qu’une si grande partie de ce qui y est montré aurait un rapport avec l’actualité. Les atrocités de la guerre et la souffrance qui règnent actuellement en Ukraine résonnent fortement dans la réception actuelle. La menace que le progrès technique fait peser sur la planète, les formes humaines hybrides qui s’exercent à des genres artistiques qu’elles ne pourront jamais animer, c’est aussi cela que contient « Chornobyldorf ». Il faut souhaiter que l’opéra, après sa première représentation à Rotterdam et sa deuxième étape au WUK à Vienne, à l’occasion des ‘Journées du théâtre musical de Vienne’, puisse connaître encore de nombreuses autres étapes. Et il faut souhaiter que l’ensemble reçoive du public le message qu’un travail comme celui-ci est nécessaire, surtout dans des temps difficiles, et qu’il contribue même à la survie. Face à la brutalité des événements, une chanteuse a déclaré lors de la discussion avec le public qu’elle n’était plus convaincue que le théâtre pouvait faire la différence. Selon elle, l’expérience de la violence, qui supprime tout, est trop diamétralement opposée à cette idée.

Que l’expression « vita brevis, ars longa » lui permette, ainsi qu’à l’ensemble, de changer un peu de cap. Qu’elle leur offre une lueur d’espoir, que l’art survive à la vie et donc aussi à cette production. Elle sera disponible pour les générations futures, d’une manière ou d’une autre, et offrira un aperçu de ce présent si difficile à supporter pour le peuple ukrainien, mais aussi pour tous ceux qui souffrent.

Cet article a été traduit automatiquement avec deepl.com

Ali Baba et le pistolet en or

Ali Baba et le pistolet en or

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Ali Baba et les 40 voleurs (c) Alain Kaiser

Quelle époque incroyable que celle pendant laquelle les brigands arabes ont «zigouillé» leurs adversaires à coups de cimeterre (sabre) et d’épée. Dans «Ali Baba et les 40 voleurs», la dernière production pour enfants de l’Opéra Studio à Colmar, bien des couteaux brillent dans de petites mains d’enfant. Et quand il s’agit de mettre les bouchées doubles, le chef des brigands Ours-Khan n’hésite pas un instant à coller son pistolet en or en bonne et due forme contre la tempe d’Ali Baba.

Ali Baba est un commerçant arabe qui aime l’or et l’argent par-dessus tout. A tel point qu’il promet la main de sa fille au plus offrant. Le gendre idéal serait à ses yeux le patron de la douane Aboul-Hassan puisque celui-ci constituerait en quelque sorte une assurance pour Ali Baba pour ne pas être inquiété pour ses escroqueries et diverses fraudes fiscales. Pour que la belle Délia ait finalement le droit de convoler en justes noces avec le pauvre Nadir, l’élu de son cœur, Sésame, la caverne secrète pleine de trésors, doit s’ouvrir et se refermer plusieurs fois.

La première représentation de ce conte des mille et une nuits eut lieu en 1833 à l’opéra de Paris. Mais l’œuvre de Luigi Cherubini ne connut pas de succès durable. Pierre Thilloy aura peut-être plus de chance: il a ramené la durée de l’opéra de trois heures à 1 heure et quinze minutes et a considérablement réduit l’orchestre pour accorder au chœur d’enfants une place plus importante. Avec cette nouvelle orientation il réussira peut-être à faire écouter à davantage d’enfants l’histoire d’Ali Baba dans tous les opéras du monde.

A Colmar et Strasbourg ainsi qu’à Paris et Mulhouse, les 40 voleurs sont et seront chantés par le chœur d’enfants de l’Opéra National du Rhin. Les parties en sol sont chantées par les solistes de l’Opéra Studio à qui incombe la responsabilité de l’entièreté de la production. Chaque année, ce vivier de talents est composé de 2 sopranos, 1 mezzo-soprano, 2 ténors, 2 barytons, 1 basse et 2 répétiteurs qui sont salariés et qui ont le droit de participer aux productions de l’Opéra du Rhin. De plus, des cours de chant permettent aux jeunes artistes de parfaire leurs connaissances. C’est la raison pour laquelle 160 jeunes artistes font tous les ans le voyage à Strasbourg pour se présenter au concours où il n’y a que trois nouvelles admissions annuelles.

Le talent le plus remarqué et remarquable dans cette distribution est sans aucun doute Jean-Gabriel Saint-Martin qui a joué le rôle d’Ours-Khan, le chef des brigands. Son baryton puissant associé à une présence sur scène impressionnante laisse présager un brillant avenir pour ce jeune homme. Le suisse Markus Bothe signe la mise en scène. D’un coté, son approche est très directe (en Allemagne, l’idée de mettre un pistolet sur la tempe d’un chanteur dans un opéra pour enfants n’aurait pas résisté aux objections des différentes associations de parents) de l’autre, la fin plus «humaine» de cette version (à la place des 40 voleurs, on n’immole «que» le chef des brigands) convient peut-être mieux à un opéra destiné aux enfants.
Ayant transformé les voleurs en enfants, la mise en scène alsacienne montre clairement que les voleurs agissent contraints et forcés sous les ordres d’un chef tyrannique et que la mort de celui-ci leur fait retrouver finalement la liberté.

Le décor plutôt «pur» qui manquerait presque de poésie est contrebalancé par les costumes de Sabine Blickenstorfer qui fait preuve d’une imagination débordante : Délia ressemble à une princesse orientale, Ours-Khan avec sa chevelure sauvage et sa ceinture truffée de couteaux à un vrai méchant sorti tout droit d’un livre de conte de fées. Le patron des douanes avec son allure d’inspecteur Gadget et Ali Baba arborant une veste de costume grise par-dessus sa djellaba sont les passerelles qui mènent à notre époque à où la télévision est omniprésente. Elles permettent de rejoindre les enfants là où ils sont sur un plan médiatique chez eux.

L’harmonie entre les talentueux chanteurs et le jeune orchestre composé d’étudiantes et étudiants du conservatoire strasbourgeois est impressionnante. Le défi consistant à assurer 19 représentations en un mois a été relevé en doublant les effectifs de l’orchestre et du chœur. Même certains solistes ont leur doublure. Les spectateurs, jusqu’au tout dernier rang, ont pu apprécier la voix soprano d’Eve-Maud Hubeaux dans le rôle de la servante Morgiane. Le baryton souple de Yuriy Tsiple alias « Ali Baba » a réjoui le public plutôt adulte, les plus jeunes ont été autant séduits par ses petits pas de rappeur que par sa voix.

Pour d’autres informations concernant les représentations à Mulhouse: voir « Opéra national du Rhin ».

Texte traduit de l’allemand par Andrea Isker

Love and other demons

Love and other demons

La première française de l’opéra de Peter Eötvös à Strasbourg

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Love and other demons de Peter Eötvös (c) Paul Leclaire

La chevelure rousse coule jusqu’à ses genoux. Son corps blanc est innocent mais en même temps émane de lui, tout au long de la pièce, un grand pouvoir d’attraction. Sierva Maria est une enfant à l’aube de sa vie de femme. Tout en étant humiliée au nom de dieu et dépouillée de son identité, elle arrive à garder son innocence, même dans un couvent colombien du 18e siècle, un endroit qui s’’avère être destructeur pour les âmes.
Aux cotés de Sierva Maria se trouve Peter Cayetano Delaura. Sa mission est d’exorciser la jeune fille atteinte de la rage, suite à une morsure. Bien que l’amour qu’il ressent pour elle l’emporte, il ne peut lui éviter ce rituel cruel par lequel la pièce se termine.

L’œuvre de Peter Eötvös est basée sur un Roman de Gabriel Garcia Márquez. Le livret concluant est signé Kornél Hamvai. Mais une chose est quasiment certaine : aucun d’entre eux, ni le compositeur, ni les auteurs auraient pu imaginer qu’un jour, le contenu de leur œuvre serait d’actualité brûlante.

Au moment de l’écriture du roman, pendant les années 90, les scandales de pédophilie qui ébranlent actuellement l’église catholique étaient passés sous silence. On a abusé de centaines d’enfants, et même si cela n’a pas été fait au nom de dieu, l’entourage s’est rendu aussi coupable que celui de Sierva Maria. Dans « Love and other demons » comme si la pièce voulait faire un pied de nez à la situation actuelle, l’amour du prêtre pour sa jeune protégée devient non seulement compréhensible, mais il est en quelque sorte le seul acte louable.

En plus de cette actualité qui est dans l’air du temps, l’opéra comporte d’autres combustibles sociaux. Qu’est ce que l’identité et qui à le droit de l’enlever à quelqu’un ? Y a-t-il une bonne ou une mauvaise origine ? Jusqu’où va-t-on pour contester les autorités quand on a conscience qu’elles sont dans leur tort ? Cette question se pose en rapport avec le docteur Abrenuncio qui sait que les jours de Sierva Maria sont comptés. Il conseille au père d’essayer d’embellir autant que possible le reste de l’existence de sa fille. Quand il prend conscience que le père, victime d’une sorte de délire religieux préfère confier sa fille plutôt au couvent, l’esprit de contradiction du médecin s’éteint. Ainsi, il se rend coupable au même titre que tous les protagonistes qui agissent activement contre Sierva Maria.

La musique de Peter Eötvös se lie intimement avec la parole chantée. Elle n’est jamais une fin en soi mais toujours au service de l’explication ou des émotions avec lesquelles doivent se débattre les différents caractères. Par moment, cette interprétation limpide fait oublier qu’un orchestre entier est assis dans la fosse. De longs passages ont plutôt la qualité d’un ensemble.
La spontanéité de Sierva Maria est rafraîchissante. Elle l’exprime par de grands sauts vocaux et son propre langage corporel. Elle ne perd son insouciance et renonce à ses sautillements juvéniles qu’au moment où elle commence à aimer. A cet instant, son langage musical change pour passer dans un autre registre. Subitement, sa voix est lyrique, comme si Delaura l’avait inondée d’amour, comme s’il l’avait apprivoisée. A chaque fois que les moments tragiques dominent, le phrasé s’intensifie et le volume augmente de façon dramatique. Au cours de la soirée, chaque personnage reçoit non seulement son propre aria, mais aussi une sorte de couleur spécifique grâce à laquelle il est parfaitement identifiable, même sans suivre l’action sur la scène.

Pour cette première, le compositeur en personne était au pupitre pour diriger l’OPS, l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg.
L’orchestre agissait comme s’il entretenait une sorte de complicité avec la musique d’Eötvös et a faisait preuve une fois de plus de la flexibilité de son intelligence et de sa souplesse.

Le décor de Helmut Stürmer, génialement simple et varié, était renforcé par des passages photographiques et filmiques qui permettaient de plonger les murs délités du palais ou ceux du couvent dans des jungles tropicales, dans des séquences de rêves ou alors dans des enchaînements de fonctions cellulaires. Avec ces films, Andu Dumitrescu réussit sans faire d’effort particulier à faire une incursion dans les beaux arts : Il est possible d’interpréter la tempête de neige dans les tropiques, annonciatrice de la mort imminente de la jeune fille de façon aussi concluante que la séquence de rêves, où la jeune femme nue vole dans les airs. Deux parmi plusieurs passages filmiques très réussis, sont celui du chien enragé qui regarde le public avec de grands yeux ou alors celui où des papillons de couleur claire soulignent le désir de liberté et l’innocence de Sierva Maria.

Le triumvirat de l’horreur est formé par Don Toribio, l’évêque de la ville, Josefa Miranda, l’abbesse du couvent et Martina Laborde la meurtrière qui y est retenue. C’est leur fanatisme religieux lové dans une acceptation sociale générale qui est fatal à la jeune Sierva Maria. Leur refoulement de tout ce qui attrait à la sexualité se venge chez eux et chez toutes les nonnes pendant l’acte d’exorcisme auquel est soumise la jeune fille. Tous entrent dans des convulsions extatiques, personne ne contrôle plus rien.
A aucun moment Silviu Purcrete qui signe la mise en scène ne se laisse emporter par un voyeurisme superficiel, même dans le tableau très fort, où l’abbesse barbouille la chemise blanche de l’enfant de sang. On épargne l’ostentation plate de blessures du corps et de l’âme au public ; la souffrance est exprimée par la musique et le texte. Ce n’est pas contradictoire du tout. Au contraire : ces doses homéopathiques influent beaucoup plus subtilement sur le ressenti émotionnel du public que ne le feraient des scènes de tortures et de déchéance physique.

La seule qui reste solidement ancrée au sol, est Dominga Adviento, la belle-mère noire de Sierva Maria. Elle a transmis sa religion de la nature à l’enfant. Celle-ci, exprimée au début par une danse merveilleuse de sa tribu, réconforte l’âme de Sierva Maria pendant ses derniers instants de vie.

Les costumes surréalistes de Helmut Stürmer sont totalement convaincants et renforcent le rapport historique de l’action au lieu et à l’époque.

Un fait rarissime dans le monde de l’opéra : toutes les cantatrices et chanteurs sur la scène étaient du même niveau. Chaque voix était irréprochable, chaque interprétation crédible et touchante. Allison Bell dans le rôle de Sierva Maria peut être considérée comme une distribution de rêve. Non seulement sa voix était un véritable délice, mais c’était surtout son charisme juvénile qui était irrésistible dans ce rôle.

Robert Brubaker qui a joué un Don Ygnacio, prisonnier du passé, Miljenko Turk dans le rôle du Delaura amoureux, André Riemer comme Abrenuncio et Sorin Draniceanu dont la basse limpide se prêta si bien à l’interprétation du rôle de Don Toribio, en plus de leurs aptitudes vocales, ont tous montré un grand talent d’acteur.

Susan Bickley dans le rôle de l’inflexible abbesse Josefa Miranda, Jovita Vaskeviciute dans celui de Dominga de Adviento qui, vêtue d’une grande crinoline blanche et un couvre-chef multicolore, montre d’emblée quelle genre d’écartèlement personnel trouvera sa continuité en la personne de sa belle-fille et finalement Laima Jonutyte dans le rôle de Martina Laborde, à moitié folle, se trouvent comme une sorte de roche originelle des deux cotés de la société : Contraires, mais néanmoins personnellement solides.

Une représentation d’opéra à Strasbourg dans le cadre du Festival Musica réussie à tout point de vue ! A voir et à entendre !

Texte traduit de l’allemand par Andrea Isker

Il matrimonio segreto à Strasbourg

Il matrimonio segreto à Strasbourg

Il matrimonio segreto – un opéra « poids plume »

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Il matrimonio segreto à Strasbourg (c) Alain Kaiser

A l’Iliade, le centre de manifestations culturelles situé à la périphérie de Strasbourg, les membres de l’Opéra studio de l’Opéra National du Rhin ont proposé une soirée d’opéra très divertissante à leur public. Sous la direction musicale de Roland Böer, l’OPS, l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg a joué l’opéra « Il matrimonio segreto », ( Le mariage secret ) de Domenico Cimarosa. Non seulement la musique était merveilleuse, mais cette production était en même temps un divertissement de premier ordre.

Le rôle du patriarche Signor Geronimo, un peu dur d’oreille, est chanté par Andrey Zemskov. Il cherche désespérément à améliorer sa condition d’artisan en mariant l’une de ses deux filles, Elisetta, à un comte. La première de cet opéra a eu lieu en 1792 au Burgtheater à Vienne, en Autriche. Le metteur en scène de la présente production, Christophe Gayral, a situé l’action dans les années cinquante du 20e siècle. Son Geronimo est à la tête d’une entreprise familiale, où ses filles Carolina et Elisetta ainsi que le commis Paolino, travaillent des plumes « orange-pétard ». Ce qui frappe dans le décor (Camille Duchemin) du premier tableau, ce sont les effets optiques très efficaces qui se prolongent de différentes manières jusqu’à l’entracte : Un lieu de travail gris et fonctionnel, avec un petit bureau séparé pour le patron, est joliment agrémenté par la présence des plumes oranges, impeccablement rangées dans des boites transparentes, proprement empilées sur des étagères en attendant d’être travaillées. Au fil des tableaux suivants, cette matière aérienne atterrit sur la table de travail pour finir suite à un geste incontrôlé de Carolina sur la tête du comte Robinson (Jean Gabriel Saint et Oliver Déjan chantent le rôle, selon les jours, en alternance). Le livret de Giovanni Bertati peu avare de ce type « d’éruptions » a permis de sauvegarder le coté amusant de cet opéra jusqu’à aujourd’hui sans prendre une ride. Le roc dans la tourmente « des émotions en émoi » c’est, du moins en partie, Fidalma (Eve-Maud Hubeaux), la sœur du patron. Malgré tout, elle aussi essaie d’attraper un peu de bonheur conjugal. Et c’est sur Paolino (Xin Wang) qu’elle a jeté son dévolu. Mais il se trouve que celui-ci, en contradiction totale avec toutes les conventions sociales, a épousé en cachette Carolina (Anaïs Mahikian).

Dans la mise en scène de Gayral se cache un motif pour lequel on devait encore jusque dans les années 50 se marier à tout prix. Derrière le mariage secret, destiné à empêcher les ragots de la société, se cache la grossesse de Carolina qui à la longue est impossible à cacher : Cette grossesse à laquelle on fait allusion par de petits gestes au début de l’opéra, devient dans le dernier tableau une évidence: Carolina, en robe de mariée à la longue traîne parsemée de plumes blanches, montre fièrement son ventre tout rond. Et il semblerait que ce fruit de l’amour, cette petite vie qu’il faut protéger ne fasse pas que calmer le jeu : il met aussi l’avenir de tous les protagonistes sur le bon chemin.

Mais avant cela, surviennent toutes sortes d’évènements turbulents dans le décor astucieux et transformable du deuxième tableau : Une sorte de couloir qui ressemble à une enfilade de pièces dont une partie est ouverte vers le public. Mais comme c’est souvent le cas dans des œuvres scéniques – amor vincit omnia – tout est bien qui finit bien : Le comte finit par accepter d’épouser Elisetta (Anneke Luyten) chose qui n’avait pas été prévue du tout et Geronimo accepte Paolini, son ancien commis, comme gendre. Seule Fidalma doit renoncer au statut de femme mariée, mais étant associée en affaires avec son frère, elle ne reste pas seule.

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Il matrimonio segreto in Straßburg (c) Alain Kaiser


Jusqu’à ce que cette fin heureuse arrive enfin, le public a l’occasion de s’amuser royalement : Geronimo qui comprend systématiquement de travers toutes les phrases hurlées – pardon chantées fortissimo – dans son oreille; le comte qui s’évertue à énumérer tous ses défauts à Elisetta tout en extrayant un à un des dessous féminins des poches de son manteau, Fidalma qui, en racontant ses projets de mariage à sa nièce et qui, ravie par avance d’être très bientôt très proche de son futur époux « s’en prend » aux fesses de sa nièce ; Elisetta, jalouse, qui « enguirlande » sa sœur et qui en vient presque aux mains ou alors Paolino qui tombe dans les pommes, quand Fidalma tente de le faire succomber à ses charmes.

Tout ceci se retrouve de façon très imagée dans la musique et aussi dans le jeu enlevé des chanteurs, tant et si bien que les frontières entre une comédie et un opéra bouffe semblent parfois effacées. Roland Böer contribue énormément à ce résultat: par moment, fidèle à la pratique des représentations baroques, il dirige l’orchestre à partir de son clavecin. Il restitue par les sons rauques des instruments à cordes le venin qu’Elisetta crache dans son accès de jalousie. Les bruits des sabots des chevaux accompagnent l’aria de Paolino, quand il propose à sa Carolina une fuite en carrosse. On peut difficilement faire sonner la musique de façon plus plastique, plus imagée ou plus explicite. Sous la baguette de Böer, les beaux arias solos en passant par les sextettes harmonieux et homogènes jusqu’à la riche illustration orchestrale ont été élégamment réunis, et ceci tout en gardant une grande différenciation. Une interprétation musicale qui s’adresse en même temps à la tête et au cœur et ceci également en grande partie grâce aux performances des chanteurs. Les musiciennes et musiciens de l’OPS suivent le chef d’orchestre tout en légèreté et font preuve une fois de plus de la grande étendue de leur répertoire musical. Ceci leur facilite grandement le travail, même si leur savoir faire dans le domaine de la musique baroque n’est que rarement mis à l’épreuve.

Le basse chaud d’Andrey Zemskov était impressionnant. Zmskov a même réussi l’exploit de chanter tout en se brossant les dents. Le svelte Olivier Déjean, baryton-basse, ayant chanté le rôle du comte le 3 mai dernier, eut la tache difficile d’affronter le volume de Zemskov dans le même registre. Son grand aria dans lequel il s’accuse de toutes sortes de méfaits, a été agrémenté par de nombreux numéros d’une grande drôlerie, ce qui a donné à ce personnage un coté comique. La voix soprano au timbre chaud et étonnamment mature d’Anneke Luytens formait un beau contraste avec la voix claire d’Anaïs Mahikian au potentiel prometteur. Les couleurs différentes des voix des deux sœurs, pourtant situées dans le même registre, ont permis une belle différenciation des deux caractères.
Le ténor toujours aussi beau et sûr de Xin Yang est à chaque fois un enchantement : Pendant cette saison on pouvait déjà l’entendre dans les productions « Louise », « Aladin et la lampe merveilleuse » et dans « Ariane à Naxos ». Avec ce rôle-ci, il a eu l’occasion de prouver son talent plus amplement. Le mezzo-soprano d’Eve-Maud Hubeaux semble se prêter à toutes sortes de rôles et on est en droit d’attendre ses prochains rendez-vous avec impatience.

Texte traduit de l’allemand par Andrea Isker

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