HAMLET – DANS LES PLIS DU TEMPS
01. juin 2024
Hamlet a déjà fait l'objet de nombreuses réinterprétations. Le "Wiener Festwochen" présente aujourd'hui un nouveau chapitre de la réinterprétation de Shakespeare. Un chapitre qui fait sens, mais qui, en même temps, se heurte à la limite de la surcharge.
Michaela Preiner
Photo: (Simon Gosselin)

Hamlet, le prince danois de Shakespeare, se promène sur la scène du ‘Volkstheater’ à Vienne en jeune femme intelligente qui traverse les époques. La metteuse en scène d’origine brésilienne Christiane Jatahy, qui s’est déjà fait un nom aussi bien au théâtre qu’au cinéma, éclaire le drame avec un fort accent féminin.

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HAMLET – DANS LES PLIS DU TEMPS (Foto: Simon Gosselin)

Clotilde Hesme a su rendre compréhensible la pensée de Hamlet, malgré les violents méandres du temps. La metteuse en scène, qui a également créé un décor impressionnant dans lequel l’ensemble live se mêle habilement aux enregistrements cinématographiques, voit Hamlet au féminin et confie ce rôle à Hesme de manière plus qu’idéale. Vêtue d’un pantalon noir stylé, elle revendique sa féminité dans son apparence androgyne, sans que cela n’ait d’autres conséquences sur la suite des événements. Qu’il s’agisse d’elle ou de lui, la tristesse, la colère et la volonté de justice restent les mêmes, quel que soit le sexe qui vit ces sentiments, et ce message est bien exprimé dans la transcription du rôle de Jatahy.

Hamlet transmet sa douleur et sa colère pour le meurtre de son père dans sa famille de manière si radicale qu’il n’en reste finalement pas une seule pierre debout. Furieuse, grandiose, intense, vulnérable et blessante en même temps, cette jeune femme, dans son implacable emportement, se pose pourtant à plusieurs reprises la question la plus importante pour elle : pour être juste, faut-il être cruel ? Par ses débordements émotionnels, elle ne se contente pas de tendre un miroir à la société pourrie et chic qui l’entoure. Elle accuse et menace, elle est impardonnable, mais en dernier ressort, elle se retourne contre elle-même.

Ophélie, Isabel Abreu, semble dès le départ extrêmement menacée par sa frêle silhouette. Elle est d’autant plus surprenante qu’elle affirme à plusieurs reprises que l’image imposée de la femme qui souffre a fait son temps et qu’elle ne sera plus une victime. Elle est déjà morte trop souvent lors des derniers siècles, maintenant, c’est assez, postule-t-elle avec assurance pour réinterpréter son rôle. Abreu allie de manière particulière autant la force qu’un rayonnement très éthéré. Comme Hamlet, elle n’est pas prête à accepter la société telle qu’elle est. La seule qui n’est pas consciente que la génération qui la suit veut changer la façon dont le monde est organisé par le patriarcat, c’est Gertrude, la mère de Hamlet.

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HAMLET – DANS LES PLIS DU TEMPS • Hamlet – in den Falten der Zeit (Foto: Simon Gosselin)

Servane Ducorps joue une épouse et surtout une reine matrone dont le mari vient de décéder. Elle ne peut et ne veut apparemment rien imaginer d’autre que de continuer à jouer ce rôle, même si elle doit désormais le faire aux côtés de son ancien beau-frère. On remarque que c’est avec Gertrude que la réalisatrice a le moins de points de contact, car elle reste pâle dans ses motivations, à l’exception de celles liées au maintien de son statut, et n’arrive pas à la cheville de Hamlet ou d’Ophélie, ni émotionnellement ni intellectuellement.

Tom Adjibi (Güldenstern), David Houri (Rosenkranz), Tonan Quito (Polonius), Matthieu Sampeur (Claudius) et Loïc Corbery, qui apparaît au début de manière fantomatique dans une vidéo comme père de Hamlet, constituent la distribution masculine. Tous ne se rendent pas compte qu’ils sont toujours au pouvoir, mais qu’ils l’exercent d’une manière dépourvue de tout sens moral. Cette société d’hommes agit comme elle l’a toujours fait : prendre le pouvoir et le garder, quel qu’en soit le prix, même si cela implique des milliers de vies humaines. Des images d’actions guerrières, comme celles qui se déroulent actuellement en Ukraine, et des images connues de récentes inondations, ainsi que le lieu lui-même – un grand salon avec une kitchenette ouverte de luxe et une vue à travers d’imposantes baies vitrées sur le jardin adjacent avec de vieux arbres – placent également la tragédie de Shakespeare à notre époque

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HAMLET – DANS LES PLIS DU TEMPS • Hamlet – in den Falten der Zeit (Foto: Simon Gosselin)

La réalisatrice demande beaucoup à sa troupe, mais tout autant à son public. Sans connaître l’œuvre originale, certains peineront à suivre l’action. Mais, les personnes averties pourront se réjouir des nombreuses réinterprétations scéniques. Le fait que le texte reste en grande partie dans son diktat d’origine crée simultanément une tension et un pont entre les siècles. Présenté en français et en portugais, surtitré en allemand et en anglais, il n’en acquiert pas moins des nouvelles nuances, intéressantes et inédites. Les intermèdes musicaux de Gertrude et de Hamlet sont divertissants. Des tubes de Sinéad O’Connor, Nina Simone ou Gilbert Bécaud viennent étayer les propos avec une atmosphère de spectacle et, simultanément, de nombreux clins d’œil. Le fait que Hamlet doive accepter à un moment donné un jeu de mots sur l’omelette, le plat à base d’œufs cassés, fait également partie de l’humour contemporain qui, à certains moments, éclipse la tragédie. C’est ce qui se passe à chaque fois que Hamlet fait entendre sa voix comme Dark Vador, au grand désarroi de sa famille, mais pour le plus grand plaisir du public.

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HAMLET – DANS LES PLIS DU TEMPS (Foto: Simon Gosselin)

La référence habituelle actuelle qui consiste à faire référence au théâtre lui-même dans le théâtre, n’est pas non plus absente chez Christiane Jatahy. L’idée de faire jouer la famille de Hamlet et leurs amis Güldenstern et Rosenkranz sur scène, dans leur cage dorée, comme une troupe d’acteurs, est amusante. Malgré les nombreuses idées de mise en scène inhabituelles, ou plutôt à cause de cette multitude, l’étincelle d’implication émotionnelle ne se propage pas réellement au public. Le sentiment que la réalisatrice s’est trop effilochée — comme on dit en Autriche — n’apparaît pas seulement à la fin. Il y a trop souvent des niveaux méta qui détournent l’attention de l’action et qui empêchent de se sentir vraiment concerné par le destin des personnes.

Mais, il y a aussi des exceptions temporaires. Clotilde Hesme, Isabel Abreu et, dans l’une de ses dernières apparitions, Matthieu Sampeur (Polonius) nous touchent par l’intensité de leur jeu. Ce dernier convainc par son attaque irascible, presque physique, contre Hamlet, dans laquelle il apparaît explicitement qu’il ne peut rien contre la perspicacité de la jeunesse et ses exigences de vérité et de justice. Au contraire, celui-ci lui inspire une peur dont il ne peut plus se défendre. La coproduction avec l'<em>Odéon</em>-<em>Théâtre</em> de l’Europe de Paris, malgré toutes les critiques que l’on peut faire à la mise en scène, laisse une nouvelle vision de la tragédie de Shakespeare. Pas seulement une vision légitimement plus féminine. Au contraire, Jatahy montre de manière impérativement logique que Hamlet est un personnage qui, malgré une capacité de réflexion maximale, ne peut pas échapper à ses pulsions intérieures, voire les utilise, doit consciemment les utiliser contre lui-même et la société. Le public l’a remercié par des applaudissements adéquats : pas exubérants, mais pas non plus avares.

Ce texte a été traduit automatiquement en utilisant deepl.com

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