Faustin Linyekula. Son nom laisse deviner dans quel contexte musico-culturel le danseur et chorégraphe né en 1974 au Congo évolue. Début mars, Faustin Linyekula était invité au Le-Maillon à Strasbourg.
Son spectacle, avec la participation du guitariste Flamme Kapaya, de deux chanteurs, d’un bassiste, d’un batteur et du groupe des Studios Kabako, est un regard sur les espoirs culturels et les profondeurs d’un pays pratiquement inconnu. Un pays ravagé par la guerre civile, qui se veut démocratique, mais où une parole imprudente peut avoir des conséquences dramatiques.
Linyekula, soutenu par ses musiciens en costumes scintillants et leurs sons « trash » et « punk » raconte au cours de cette soirée l’histoire de son peuple qui est conscient de vivre sur les décombres du passé mais qui accepte cet héritage tout en espérant d’être capable de construire un avenir acceptable sur des ruines.
Linyekula, l’un des trois danseurs du groupe Kabako, illustre grâce à des images marquantes que sa génération a un besoin criant de croire en un avenir meilleur. En jouxtant les chants traditionnels africains aux adaptations Punk-Rock congolaises, il montre l’omniprésence du passé. Il n’embellit aucun conflit et les danseurs s’en prennent sans vergogne aux musiciens qui ont du mal à mettre leurs instruments et micros à l’abri. Les textes empruntés à Achille Mbembe font allusion à une lyrique très inspirée par la tradition culturelle de l’occident antique.
Par moment, ce spectacle fait penser au théâtre absurde, ce qui en accord total avec l’absurdité du quotidien congolais. Le désespoir se nourrit autant de cette absurdité que s’en nourrit l’espoir d’en sortir, la colère, la dépression et la maladie, le sentiment d’une cohésion communautaire et d’une solitude infinie : Les danseurs, chanteurs et musiciens mettent tout ceci sur la scène strasbourgeoise. Cette performance ne peut être montrée qu’à l étranger, car au Congo, il n’y pas de salle de spectacle susceptible de l’accueillir. Tout ce qui se passe là-bas, se déroule à ciel ouvert. Comme par exemple « Ndombolo », une fête où l’on danse et l’on boit toute la nuit.
Le cri désespéré « more more more…future » pour un avenir possible, un avenir tout court, émane de toutes les images, des bruits, de la musique et de la danse tout au long de la soirée. Même si tout cela est très lointain et ne donne qu’un petit aperçu de ce qu’une ville comme celle où vit Faustin Liyekula vit et ressent, un effet « long durée » s’installe chez le spectateur.
Au début du spectacle, les danseurs arborent des costumes légers et volumineux dans lesquels ils bougent tels des oiseaux de paradis. Au cours de la soirée ils mutent en individus tout en muscles pour fusionner en un seul organisme, rampant avec ses 6 bras et 6 jambes sur la scène tout en se combattant soi-même. Le guitariste Flamme Kapay est une superstar dans son pays. Avec sa guitare électrique, il accompagne les tirades hurlantes et trépidantes des chanteurs Punk aussi parfaitement que notamment un long et magnifique passage où une berceuse offre du repos à tous ceux qui, pour trouver l’apaisement et l’oubli, se réfugient dans le sommeil. Celui-ci leur permet d’oublier la rébellion sauvage, les agissements poétiques, bruyants et désespérés s’opposant à l’oppression. Il permet d’oublier ce désir brulant et criant qui n’exprime qu’un seul besoin vital : more more more …future !
Texte traduit de l’allemand par Andrea Isker
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