by Michaela Preiner   | Nov 23, 2009  | Jazzdor , Jazzdor , Konzert , Konzert 
DuaDueDuiDuo – Ce sont Jean-Louis Marchand, maître des clarinettes et Christophe Rieger, maître lui aussi, mais des saxophones, qui forment ce duo au nom imprononçable. Ils se sont produits au Théâtre jeune public dans le cadre du festival Jazzdor. 
 
 
 
DuaDueDuiDuo (photo:Sophie Dungler)
 Le nom « Jazz «  n’est pas vraiment la définition qui convient pour décrire leur musique, car ils jouent des morceaux extrêmement exigeants, que l’on pourrait plutôt définir comme de la musique contemporaine. Ceci signifie aussi, qu’il n’y avait pas de place pour l’improvisation dans leur concert, car ils suivaient rigoureusement leurs partitions. Nombre des œuvres présentées peuvent être considérées comme appartenant à la musique minimaliste, qui repose sur la suite logique des sons. Ces sons sont  d’avantage liés entre eux par une espèce de logique mathématique que par un schéma qui privilégie une esthétique d’écoute. Dès le premier morceau la direction que comptaient prendre les deux musiciens était clairement indiquée : Sur une corde tendue à travers la scène étaient suspendues des partitions les unes à coté des autres. Ces partitions étaient traduites par eux en sons, tout en marchant de gauche à droite. Arrivés au bout de la scène, ils amorçaient le retour, pas à pas, son après son jusqu’au point de départ, comme si on regardait un film en sens inverse. Que les sons joués à l’envers et non pas en suivant l’ordre « établi », conventionnel,  formaient une nouvelle aventure auditive, c’était une évidence. Que les deux musiciens malgré les exigences musicales extrêmes s’amusaient beaucoup, en était une autre. Celui qui leur servait d’exemple est Steve Reich. Même si leur répertoire comportait beaucoup de morceaux composés par des compositeurs belges moins connus. Que le répertoire de DuaDueDuiDuo doit être considéré plutôt comme une approche cérébrale qu’une jouissance auditive joyeuse était illustré de différentes façons : par de longues séquences de sons qui variaient à peine mais dans lesquelles chaque son était travaillé individuellement, par un morceau au son unique qui ne montrait de possibilités d’intervalle que vers la fin ou alors par une œuvre dont le début n’était qu’aspiration et qui petit à petit se muait en sons audibles.C’est grâce à la virtuosité et l’entente fusionnelle de Marchand et Rieger que ce spectacle était malgré tout un évènement pour les oreilles. Même visuellement on avait cette impression d’entente totale – au delà de la scène: Les deux hommes étaient vêtus de noir portant des lunettes noires. Leurs cheveux étaient coupés à ras. Cette acceptation mutuelle qui trouve son expression dans leur choix des œuvres où il n’y a pas de voix principale et secondaire touchait le public qui assistait à un concert qui aurait pu porter le nom « égalité ».
Texte traduit de l’Allemand par Andrea Isker
 
 
 
  by Michaela Preiner   | Nov 17, 2009  | Jazzdor , Jazzdor , Konzert , Konzert 
L’Afrique rencontre l’Europe. Voilà une phrase susceptible de résumer le projet « Sabar Ring ».  
 
 
 
SabarRing (photo: Nadine de Koenigswarter)
Un projet excitant que l’on a pu découvrir dans le cadre du festival Jazzdor à Strasbourg. « Sabar » désigne une certaine forme de culture au Sénégal, qui s’exprime sous forme de fêtes et de musiques communes. Les instruments les plus utilisés sont bien entendu les tambours de Bongo,  ainsi que les voix des musiciens, quand ils accompagnent leurs rythmes en chantant.
« Sabar Ring » est l’union de deux formations qui s’expriment à parts égales: D’un coté, les sept musiciens « Sabar » et de l’autre, « Tôth », un jeune ensemble de Jazz. Les africains montrent la voie avec leur rythmes, les français les suivent avec leurs idées musicales « jazzy ». Les deux parties accomplissent leurs missions respectives de façon aussi convaincante qu’authentique, car ni l’une ni l’autre musique ne perd de son identité dans cette combinaison très spéciale. Mais c’est certainement ce point bien précis qui fait que tout fonctionne à merveille. Déjà le décalage visuel entre les habits africains, colorés et quelque peu folkloriques d’une part et le noir existentialiste d’autre part montre clairement qu’il ne s’agit ni de rapprochements conventionnels ni de compromis. Ivan Ormond, le seul « blanc » parmi les percussionnistes Sabar est le mentor spirituel qui fait jonction entre les deux groupes et leurs mondes fondamentalement différents. C’est lui qui a réussi à réunir « Tôth », dont font partie  Stéphane Payen au saxophone, Gilles Coronado à la guitare, par Hubert Dupont à la contrebasse et le batteur Christophe Laverne et les percussionnistes « Sabar » du Sénégal qui sont Fodé Diop, Abdou Khadre Kiop, Cheikh Thioune Diop, Cheikh N’diaye Diop, Daouda Diouf et Ibrahima Diassé. Sans oublier Mane Beye qui arrive à transmettre au public toute la joie de vivre et l’énergie que l’on met dans la danse dans son pays. Cette grande femme élancée en robe rose fuchsia à paillettes fait des bonds, projette se jambes pliées en l’air avec une telle grâce et élégance qu’on en oublie les musiciens qui l’entourent. Dans un pas de deux endiablé avec l’un des percussionnistes sénégalais on voit très distinctement que ce que l’on a plutôt perçu comme une improvisation guidée par une vague idée de départ est en vérité une chorégraphie qui obéit à des règles très strictes. Les pieds qui frappent le sol sont très précisément accompagnés par les rythmes des tambours, les mouvements de bras des deux sont parfaitement synchrones. A quel point Stéphane Payen est ravi de ce travail en commun s’entend – son saxophone réagit le plus à la structure donnée par  des tambours – ET se voit ! La partie la plus difficile est certainement celle du batteur Christophe Lavergne, qui se joint à la « mêlée » avec bravoure en mettant particulièrement souvent ses timbales et le « hi-hat » à contribution qui constituent un contraste musical très agréable avec les tambours Bongo.
A plusieurs reprises se forment des petits duos bien distincts avec les jazzmen français, surtout quand le petit bongo porté à l’épaule les invite à réagir. Le chant « walo-walo » qui désigne une certaine région fluviale au Sénégal, incite le public à donner la réplique. L’auditoire répond aux interpellations sénégalaises avec joie, bien que personne ne comprenne quoi que ce soit aux paroles que tout le monde répète. Les rythmes très difficiles que les percussionnistes jouent par cœur impressionnent tout autant que les parties écrites et très exactes des solistes de « Tôth ».
« Sabar-Ring » montre  très clairement une chose: Quand deux cultures se rencontrent, le meilleur moyen pour atteindre un but commun, c’est le respect mutuel !
Traduit de l´allemand par Andrea Isker.
 							  by Michaela Preiner   | Nov 16, 2009  | Konzert , Konzert 
  Charles Chaplin (Official Trademark)
Charlie Chaplin, invité à Strasbourg a conquis le public à l’occasion de la projection de son film  « Lumières de la ville ». Cette œuvre cinématographique de l’année 1931 était accompagnée par l’OPS – l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg – dirigé pour la circonstance par Timothy Brock. 
Chaplin, l’immense nom du cinéma muet, reconnaissable pour tous à sa démarche, sa canne et sa tenue : Chapeau-melon,  veste trop étroite, pantalon trop large et chaussures beaucoup trop grandes, a tourné avec « City lights » une comédie romantique et émouvante qui pourtant déborde de situations comiques  et burlesques. Un vagabond, Chaplin, cherche par tous les moyens à venir en aide financièrement une jeune fleuriste aveugle. Pour ce faire, il doit accomplir des  tâches diverses dont résultent nombre de complications incroyables. Dans l’une des scènes les plus désopilantes, le petit homme chétif va jusqu’à affronter un adversaire puissant dans un ring de boxe. Au début, il compense son manque de force physique par son agilité et se cache derrière l’arbitre tant et si bien que, contre toute attente, il arrive à marquer un point de temps à autre. Mais ce qui devait arriver, arriva : Malgré ces quelques succès d’une drôlerie incroyable pour le spectateur, il finit par tomber ko. et doit quitter le ring par la force des bras – des autres ! Sur de longues périodes, ce combat est comparable à une espèce de danse synchrone entre deux sparring-partners !
L’illustration sonore aussi « parlante » qu’enchanteresse est l’œuvre de Charlie Chaplin en personne. Il jouait du piano aussi du violon, uniquement à l’oreille. Incapable d’écrire ou de lire une note, ne connaissant pas le solfège, il chantait les mélodies, les idées de compositions, qui lui traversaient l’esprit à un musicien près de lui, capable de les transcrire sur papier. Dans un deuxième temps, la musique était orchestrée et enregistrée sur des rouleaux. Ces morceaux, qui à l’époque pour des raisons techniques ne pouvaient dépasser quelques minutes, étaient par la suite transférés sur la pellicule. Dans des villes plus importantes on préférait de loin l’accompagnement en direct par un orchestre au son original sur la pellicule, de piètre qualité.
Très peu de temps après « City lights », le cinéma parlant a fait son apparition et les films muets ainsi que leur illustration sonore étaient mis aux oubliettes. En 2000, la famille Chaplin a demandé au compositeur américain Timothy Brock d’entreprendre la restauration des vielles partitions des films. Brock a sa jusqu’ici donné une deuxième vie à la musique de 11 films, dont des œuvres aussi célèbres que « La ruée vers l’or » ou « Les temps modernes ».
La restauration d’une partition représente un travail sur plusieurs mois, car Chaplin faisait en sorte, que tout, absolument tout soit archivé et gardé, peu importe, si les morceaux faisaient finalement partie d’un film ou non. Et dans la mesure où la créativité de Chaplin ne connaissait ni repos, ni frontière de temps, ni d’endroit, ses idées musicales étaient notées sur tout support : Les factures de blanchisserie faisaient aussi bien l’affaire que des sous-verres en carton.
 
 
 
Probe des OPS mit Timothy Brock für City Lights (Foto: M. Preiner)
Celui à qui on a demandé de lister toutes les notes et tous les rouleaux ainsi que d’en vérifier leur contenu et la possibilité de l’utiliser, c’est toujours le compositeur Brocks, qui a obtenu dans le cas de « Lumières de la ville » un résultat convaincant : La suite logique des mouvements du début à la fin, avec de beaux interludes, dans lesquels on peut entendre aussi bien des rythmes espagnols que le thème charmant de la petite fleuriste, que Philippe Lindecker joue de façon tellement chantante sur son violon, que l’on a du mal à faire sortir cet air de la tête et des oreilles. Ce morceau est le seul dont la « paternité » ne peut être attribuée à Chaplin. Cette œuvre de l’espagnol José Padilla plaisait tellement à Chaplin qu’il ne pouvait imaginer meilleur thème pour la jeune aveugle. Il l’empruntait donc tel quel à son homologue espagnol, dont la composition « Valencia » crée en 1925 était « promue » à l’hymne pour cette province. Depuis, elle est mondialement connue.
L’aspect le plus fascinant de ce genre de représentations, c’est la réaction du public, qui depuis le début du cinéma muet n’a certainement guère changé. Selon l’intensité comique de ce qu’on voit, on sourit ou on hurle de rire – peu importe la musique de l’orchestre. Cette joie est contagieuse. Elle se transmet aux musiciens d’orchestre, d’habitude si sérieux, si concentrés tant et si bien, qu’elle crée une espèce d’entente générale : On s’est retrouvé pour s’amuser ! Qui aurait cru, que le rire et la joie pouvaient être au centre d’intérêt d’un concert pour orchestre !
On doit ce ressenti essentiellement à Charlie Chaplin qui est non seulement un comique brillant mais aussi un acteur profondément émouvant quand il dit – sous-titré –  au millionnaire : « Courage ! Regardez la vie en face !» Cette petite phrase si pleine de sens montre comment et avec quelle bravoure on peut survivre à la plus grande misère. Une scène qui a certainement réconforté beaucoup d’hommes et de femmes jusqu’à aujourd’hui.
La représentation « orchestrale » de « Lumières de la ville » a mis grâce à l’appréciation artistique plusieurs choses en évidence : D’une part, le genre du film muet semble en quelque sorte ressusciter – malgré la prédominance des médias modernes jusqu’au dernier recoin d’un coin reculé du monde. Timothy Brock tourne avec ces spectacles autour du globe –  tendance à la hausse! D’autre part, ce qu’exprime Chaplin à sa manière si personnelle dans ses films, est intemporel : L’humour, la modestie, et  l’entre-aide sont des qualités et traits de caractère qui contribuent à rendre notre monde un peu meilleur. Et on n’en a jamais assez.
Et finalement, le duo « projection ‘live’/orchestre » s’adresse aussi à un public qui habituellement évite les salles de concert.
Grâce à ce genre de programmation de la part des organisateurs de concerts, il sera peut-être possible d’éveiller l’intérêt de la jeunesse pour la musique d’orchestre. Les applaudissements frénétiques de la part du très jeune public en particulier, après la représentation à Strasbourg, pourraient être un signe probant.
Découvrez Ciné-concert Charlie Chaplin pour l’Orchestre philharmonique de Strasbourg  sur Culturebox ! 
Traduit de l´allemand par Andrea Isker.
 
 
 
  by Michaela Preiner   | Nov 11, 2009  | Jazzdor , Jazzdor , Konzert , Konzert 
L’allemand Hans Ludemann et son trio ont fait leurs débuts à Strasbourg dans le cadre du festival « Jazzdor ».  
 
 
 
Hans Lüdemann (Foto: Jazzdor)
Le programme était aussi une première française dans cette distribution : Hans Ludemann au piano, Sébastien Boisseau à la contrebasse et Dejan Terzic  à la batterie.
« Rooms » est plus que le choix d’un nom, c’est un programme. Dans cette distribution, les musiciens ouvrent des portes qui grâce à cette instrumentalisation élargie donnent accès à de nouvelles espaces et mènent dans un nouveau monde acoustique.
Ludemann, lui, joue alternativement mais aussi parallèlement du piano et d’un piano acoustique dont il déforme le son électroniquement tout en ajoutant des échos par endroit. Terzic de son coté rajoute un petit xylophone et de petites cloches pour étoffer la percussion.  Petits changements – grands effets : Quand un percussionniste accompagne un passage tendre du piano au petit xylophone, tout en pensant à son « base » c’est une aventure particulière. Ce batteur impressionne par son extrême sensibilité. Son interprétation est davantage basée sur les détails, l’exactitude et l’accompagnement de Lüdemann que sur le fait de ponctuer simplement le rythme.
Déjà le premier morceau « Eagle » était l’illustration des régions et des espaces dans lesquels le trio avait l’intention d’évoluer. Après une brève introduction par la contrebasse, Lüdemann faisait jaillir à l’aide de passages de piano très rapides un feu d’artifice musical, qui à l’intérieur de la composition se calmait à plusieurs reprises pour s’enflammer à nouveau peu de temps après. « Tu », une déclaration d’amour jouée comme dans un  soufflé constituait un contraste saisissant.
Ce changement entre virtuosité et de charmants égarements était le fil conducteur du concert. L’ensemble proposait aussi bien ses propres compositions que des extraits de l’œuvre « Über den Selbstmord » (à propos du suicide), écrit par Hanns Eisler dans les années trente, une référence au texte de Bert Brecht. Le mélange que faisait Ludemann entre son grand piano à queue et le petit piano électronique était saisissant aux endroits où il changeait après le son limpide du piano pour l’instrument électronique au son quelque peu dissonant. De vieux pianos désaccordés, « désœuvrés »  comme il y en a des milliers un peu partout ont un son identique. Ce son particulier que l’on n’entend uniquement quand quelqu’un qui aime jouer du piano en ouvre un, enfonce quelques touches et referme l’instrument aussitôt précautionneusement. C’est ainsi qu’hier et aujourd’hui se mêlaient pour former un »duo de touches » tendre, qui ouvrait un autre espace de réflexion. Là il était évident que la musique dans cette formation au sein de laquelle Sébastien Boisseau proposait une voix de contrebasse non seulement fiable, mais extrêmement propre et sensible, était bien plus qu’un babillage musical amusant. C’était une invitation à un voyage intérieur, pour vous emmener dans des espaces très personnels, secrets, qui s’ouvrent en écoutant.
Comme au début, « Rooms » misait sur le contraste pour finir la soirée :« Balafon – blanc et noir «  était un hommage de Ludemann à Aly Keita, né en Côte d’Ivoire. Lüdemann à fait la connaissance de Keita, un virtuose sur son balafon, lors d’un voyage en Afrique en 1999 et à joué à plusieurs reprises avec lui depuis. La virtuosité de ce morceau était exprimée par tous les instruments. Elle trouvait néanmoins son point culminant dans les passages « staccato », exécutés par Ludemann d’une telle vitesse, que l’œil  ne pouvait tout simplement plus distinguer les mouvements de sa main. Avec un morceau merveilleusement flatteur qui « dépliait » encore une fois tout l’éventail sonore de « Rooms » dans les oreilles, l’ensemble faisait ses adieux au public.
Traduit de l´allemand par Andrea Isker.
 
 
 
  by Michaela Preiner   | Nov 11, 2009  | Jazzdor , Jazzdor , Konzert , Konzert 
 
 
 
Hélène Labarrière (Foto: Christoph Huber)
Une contrebasse est habituellement un instrument d’accompagnement. Aussi bien dans le grand orchestre que dans le domaine du Jazz. Par-ci, par-là il y a la possibilité pour des prestations en solo, soit,  mais pour en faire tout un concert il faut du courage et beaucoup d’imagination.
On a donc rarement l’occasion d’entendre une telle performance, mais dans le cadre du festival « Jazzdor » Strasbourg nous l’a offerte.
Hélène Labarrière s’est produite dans la salle des expositions de la bibliothèque de la ville avec un programme de soliste. Dans les huit morceaux, l’archet ne faisait entendre qu’une seule fois le son ample de l’instrument. Sinon, Labarrière pinçait les cordes, tapait sur sa basse d’où elle faisait sortir des sons très singuliers dans les aigües. Mais elle donnait aussi à entendre des impressions tendres, voir lyriques qui pourtant ne manquaient pas de force d’expression.
Ses improvisations musicales inclassables ne connaissent pas les frontières des époques : Elle travaille des œuvres de chansonniers français très connus comme Michel Berger ou Léo Ferré aussi bien qu’un air du 16e siècle qui parle d’amour et de jalousie. C’est dans cela qu’Hélène Labarrière se distingue de ses collègues musiciens de jazz, qui se croient plutôt obligés de pêcher dans les eaux « courantes » du répertoire. Ajouté à cela, elle dispose d’un spectre très large de variantes  de jouer de cet instrument encombrant. Ni le son sourd, typique de la contrebasse, ni un accompagnement qui coule doucement mais sûrement, ne sont ses objectifs. Les passages de chant lyriques, interprétés dans les parties douces, pincées sont la démonstration par excellence qu’Hélène Labarrière met beaucoup de cœur et de sensibilité dans son travail. Souvent, ces récitations chantantes basculent dans une improvisation bourrée de force. Sa virtuosité lui permet de jouer en même temps la voix de chant ET la voix de basse, de sortir des passages « ostinato » brutalement, d’une seconde à l’autre, pour continuer dans un rythme totalement différent. Ceci nécessite non seulement une technique à maturité après des années de travail, mais aussi une musicalité immense et multiple. Et Hélène Labarrière possède les deux.
Sa prestation la plus impressionnante était l’interprétation de sa propre composition « Mon Pays ». La mort atroce de deux jeunes gens, électrocutés dans une armoire à haute tension mise en musique.  Son archet s’abattait sur les cordes, si bien que l’on pouvait apercevoir des étincelles  – acoustiques !
Si l’on connaît l’histoire qui est à l’origine de ce morceau, on éprouve pendant ce feu d’artifice de plusieurs minutes davantage l’horreur qu’elle illustre que l’admiration pour prestation musicale, aussi intéressante et virtuose soit-elle. On ne peut imaginer meilleure transcription de ces évènements dramatiques. Labarrière montrait à quel point elle connaît la richesse du son de cet instrument. Elle montrait aussi qu’elle sait s’en servir pour restituer de façon ostentatoire la  coulisse sonore de notre quotidien.
Le bis, l’improvisation d’un petit chant très simple, calme et harmonieux était un choix judicieux : Après cela elle pouvait laisser partir les esprits retournés une fois calmés.
Une aventure acoustique d’un autre genre.
Traduit de l´allemand par Andrea Isker
 
 
 
  by Michaela Preiner   | Nov 9, 2009  | Konzert , Konzert 
La prestation de l’OPS lors du concert du 6 novembre, met les critiques de concert devant un problème insoluble : Qu’écrire quand il n y a rien, mais alors rien à critiquer ? 
Que doivent penser les lectrices et les lecteurs  quand il n’y rien d’autre à publier – comme dans les articles précédents – que des louanges dithyrambiques ?
Dans ces cas-là, une seule solution s’impose: La fuite en avant ! Décrire et faire savoir ce qui était beau ainsi que démontrer ce qu’est l’OPS : Un orchestre qui n’a rien à envier aux meilleures formations du monde !
La saison 09/10 est une saison particulière. Marc Albrecht, le directeur musical de l’OPS s’est mis comme objectif de faire jouer des morceaux à « son » orchestre, que l’on n’a pas entendus à Strasbourg depuis bien longtemps. Et il est aisé de constater après les premiers concerts organisés dans cet esprit, que c’estait une excellente idée ! Le dernier en date a en plus réussi à réunir deux contrastes aux  antipodes.
 
 
 
Viviane Hagner (Foto: Marco Borggreve)
La violoniste Viviane Hagner conviait dans la première partie au concerto n° 3 pour violon et orchestre – nommé « La symphonie strasbourgeoise » par le compositeur en personne. La jeune violoniste native de Munich avait à sa disposition une Sasserno-Stradivarius, un prêt de la « Nippon Music Foundation ».
« Sasserno », selon son ancien propriétaire, le comte Sassnero qui avait fait l’acquisition de cet instrument unique en 1845. Des violons de cette catégorie sont traités comme d’authentiques œuvres d’art historiques. Ceci  signifie que leur traçabilité depuis l’origine se doit être sans faille, comme dans le cas présent. La qualité du Stasserno-Stradivarius mérite d’être mise en exergue, car Viviane Hagner faisait sortir un son d’une amplitude telle de cet instrument fragile, que même dans les passages les plus tendres, il était parfaitement audible jusqu’au dernier recoin da la salle. Ce violon possède une puissance de résonnance incomparable et convainc avec ce son clair et en même temps incroyablement volumineux. Que Viviane Hagner joue de cet instrument d’une façon magistrale avec un doigté invraisemblable et qu’elle manie son archet avec une extrême subtilité ne soit dit qu’en passant.  On n’offre un violon magique qu’à une violoniste magicienne !
En plus de cette distribution idéale, l’invité, le chef d’orchestre Petri Sakari, qui dirige la philharmonie de Turku a contribué de façon significative pour promouvoir cette œuvre musicale au chef-œuvre enchanteur: Il réduisait la puissance sonore de l’orchestre – quelques rares passages particulièrement dynamiques mis à part – de telle sorte, que l’on aurait pu désigner ce concerto comme « concerto de violon avec accompagnement orchestral ». Sakari  est resté fidèle à ce concept du début à la fin et on ne peut que l’approuver dans son choix, car sa façon d’interpréter cette œuvre était plus que séduisante. Elle permettait au  public de profiter pleinement du duo « Hagner/Stradivarius ».
Les instruments de l’orchestre tout en retenue, tendrement, donnaient comme dans un souffle une place majeure à la soliste. Et les instruments à cordes et les cuivres réussirent tellement bien dans cet exercice que la valse à la fin du deuxième mouvement flottait au dessus de la salle comme un nuage pour finalement s’évaporer. Petri Sakari faisait honneur au Mozart jeune et sensible et non pas au compositeur classique et incontestable au dessus de tous et de tout.
Dans son bis, le « paganiniana » de Nathan Milstein, Viviane Hagen donnait libre cours à toute sa virtuosité. Le début sombre, empreint de deuil basculait dans le deuxième mouvement dans un tempo rapide, virtuose même, où il fallait faire face à toutes les difficultés qu’un  violoniste peut rencontrer: Les accords doubles était « assaisonnés » avec des pizzicati. Des glissandi claires alternaient avec des ricochets, des passages où l’archet rebondit plusieurs fois rapidement sur la corde. Le choix de ce supplément était une pure merveille car il introduisait en plus magnifiquement bien la deuxième partie.
 
 
 
Petri Sakari (C) OPS
Comme déjà exprimé dans l’introduction, il n’y avait pas de contraste plus grand possible pour la suite que la symphonie n° 11 en sol-mineur de Dimitri Chostakovitch, « L’année 1905 ». Petri Sakari, le remplaçant de Yakov Kreizberg, malade, avait beaucoup de chance, car les chefs d’orchestre récoltent aussi les applaudissements concernant la qualité de l’œuvre, c’est bien connu.  Ceci s’avérait une fois de plus: Le public strasbourgeois lui offrait une ovation enthousiaste. Mais c’est bien lui, qui a su faire sortir l’aspect dramatique inhérent à cette composition. Cette œuvre raconte le soulèvement des ouvriers moscovites  pendant l’hiver 1905 où il y a eu de nombreux morts, victimes des unités cosaques fidèles au tsar. Chostakovitch, qui a souffert lui-même toute sa vie de la répression du régime stalinien a fait en sorte, que grâce à son œuvre, cette journée de l’horreur reste à tout jamais gravée dans la mémoire collective.
Les quatre mouvements – lent – rapide – lent – rapide – qui portent les titres « La place du palais », « Le 9 janvier », « Mémoire éternelle » et « Tocsin »  illustrent de façon panoramique les évènements et l’état d’esprit des protagonistes, ponctués par de nombreux points culminants. Mais même dans ce morceau monumental, Sakari montre qu’il n’est pas l’homme à la baguette brachiale. Il dose plutôt savamment dans la première partie la fanfare pour ne pas mettre en péril avant l’heure le suspense quasi palpable en cette journée hivernale enneigée. Là, par contre, où dans le deuxième et quatrième mouvement l’aspect dramatique atteint des sommets, les cuivres ne hurlent pas assez fort à son goût, ils sont à peine suffisamment incisifs pour lui. Les percussionnistes réussissent à peine à faire résonner leurs  instruments de façon assez terrifiante pour contenter le chef d’orchestre. Jusqu’à la  fin du deuxième mouvement – où au paroxysme du fortissimo – tout s’arrête brutalement pour trouver une espèce d’écho immédiat dans une oscillation nerveuse des violons. Les ouvriers ont été fusillés. Le deuil recouvre la place. La marche funeste du troisième mouvement initiée par les cuivres et reprise par les instruments à cordes se propage petit à petit dans tout l’orchestre. Mais ce ne serait guère Chostakovitch, s’il n y avait pas de point culminant en fortissimo. Dans le mouvement final c’est surtout la partie captivante des instruments à cordes qui impressionne. Elle traverse tous les niveaux et demande un effort physique énorme aux musiciens. La finale est l’expression du deuil, mais aussi celle de l’espoir qu’envers et malgré tout l’homme met dans l’avenir.
Dans les passages « tutti » d’une puissance sonore inouïe, Sakari était littéralement enivré. Tout comme le maître de concert, Vladen Chernomor, qui par moment avait du mal à rester assis sur sa chaise. Le schéma de composition très clair illustré par les motifs récurrents dans les différents mouvements, et beaucoup de chants populaires et ouvriers tissés dans cette œuvre en font tout son charme.
Ce sont sans aucun doute des réflexions d’ordre idéologique qui sont responsable du fait que cette œuvre est si rarement joué en Europe de l’ouest.
Une fois de plus, les musiciens de l’OPS ont montré leur flexibilité et leur adaptabilité remarquables. Ils se sont glissés avec une apparente facilité dans les rôles que leur avait destinés Petri Sakari dans ces deux œuvres fondamentalement différentes. Visiblement ravi de leur  prestation, le chef d’orchestre remerciait son public en mettant en avant les musiciens, quand retentissaient les applaudissements finaux.
Traduit de l´allemand par Andrea Isker