L’allemand Hans Ludemann et son trio ont fait leurs débuts à Strasbourg dans le cadre du festival « Jazzdor ».
Le programme était aussi une première française dans cette distribution : Hans Ludemann au piano, Sébastien Boisseau à la contrebasse et Dejan Terzic à la batterie.
« Rooms » est plus que le choix d’un nom, c’est un programme. Dans cette distribution, les musiciens ouvrent des portes qui grâce à cette instrumentalisation élargie donnent accès à de nouvelles espaces et mènent dans un nouveau monde acoustique.
Ludemann, lui, joue alternativement mais aussi parallèlement du piano et d’un piano acoustique dont il déforme le son électroniquement tout en ajoutant des échos par endroit. Terzic de son coté rajoute un petit xylophone et de petites cloches pour étoffer la percussion. Petits changements – grands effets : Quand un percussionniste accompagne un passage tendre du piano au petit xylophone, tout en pensant à son « base » c’est une aventure particulière. Ce batteur impressionne par son extrême sensibilité. Son interprétation est davantage basée sur les détails, l’exactitude et l’accompagnement de Lüdemann que sur le fait de ponctuer simplement le rythme.
Déjà le premier morceau « Eagle » était l’illustration des régions et des espaces dans lesquels le trio avait l’intention d’évoluer. Après une brève introduction par la contrebasse, Lüdemann faisait jaillir à l’aide de passages de piano très rapides un feu d’artifice musical, qui à l’intérieur de la composition se calmait à plusieurs reprises pour s’enflammer à nouveau peu de temps après. « Tu », une déclaration d’amour jouée comme dans un soufflé constituait un contraste saisissant.
Ce changement entre virtuosité et de charmants égarements était le fil conducteur du concert. L’ensemble proposait aussi bien ses propres compositions que des extraits de l’œuvre « Über den Selbstmord » (à propos du suicide), écrit par Hanns Eisler dans les années trente, une référence au texte de Bert Brecht. Le mélange que faisait Ludemann entre son grand piano à queue et le petit piano électronique était saisissant aux endroits où il changeait après le son limpide du piano pour l’instrument électronique au son quelque peu dissonant. De vieux pianos désaccordés, « désœuvrés » comme il y en a des milliers un peu partout ont un son identique. Ce son particulier que l’on n’entend uniquement quand quelqu’un qui aime jouer du piano en ouvre un, enfonce quelques touches et referme l’instrument aussitôt précautionneusement. C’est ainsi qu’hier et aujourd’hui se mêlaient pour former un »duo de touches » tendre, qui ouvrait un autre espace de réflexion. Là il était évident que la musique dans cette formation au sein de laquelle Sébastien Boisseau proposait une voix de contrebasse non seulement fiable, mais extrêmement propre et sensible, était bien plus qu’un babillage musical amusant. C’était une invitation à un voyage intérieur, pour vous emmener dans des espaces très personnels, secrets, qui s’ouvrent en écoutant.
Comme au début, « Rooms » misait sur le contraste pour finir la soirée :« Balafon – blanc et noir « était un hommage de Ludemann à Aly Keita, né en Côte d’Ivoire. Lüdemann à fait la connaissance de Keita, un virtuose sur son balafon, lors d’un voyage en Afrique en 1999 et à joué à plusieurs reprises avec lui depuis. La virtuosité de ce morceau était exprimée par tous les instruments. Elle trouvait néanmoins son point culminant dans les passages « staccato », exécutés par Ludemann d’une telle vitesse, que l’œil ne pouvait tout simplement plus distinguer les mouvements de sa main. Avec un morceau merveilleusement flatteur qui « dépliait » encore une fois tout l’éventail sonore de « Rooms » dans les oreilles, l’ensemble faisait ses adieux au public.
Traduit de l´allemand par Andrea Isker.
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