Une contrebasse est habituellement un instrument d’accompagnement. Aussi bien dans le grand orchestre que dans le domaine du Jazz. Par-ci, par-là il y a la possibilité pour des prestations en solo, soit, mais pour en faire tout un concert il faut du courage et beaucoup d’imagination.
On a donc rarement l’occasion d’entendre une telle performance, mais dans le cadre du festival « Jazzdor » Strasbourg nous l’a offerte.
Hélène Labarrière s’est produite dans la salle des expositions de la bibliothèque de la ville avec un programme de soliste. Dans les huit morceaux, l’archet ne faisait entendre qu’une seule fois le son ample de l’instrument. Sinon, Labarrière pinçait les cordes, tapait sur sa basse d’où elle faisait sortir des sons très singuliers dans les aigües. Mais elle donnait aussi à entendre des impressions tendres, voir lyriques qui pourtant ne manquaient pas de force d’expression.
Ses improvisations musicales inclassables ne connaissent pas les frontières des époques : Elle travaille des œuvres de chansonniers français très connus comme Michel Berger ou Léo Ferré aussi bien qu’un air du 16e siècle qui parle d’amour et de jalousie. C’est dans cela qu’Hélène Labarrière se distingue de ses collègues musiciens de jazz, qui se croient plutôt obligés de pêcher dans les eaux « courantes » du répertoire. Ajouté à cela, elle dispose d’un spectre très large de variantes de jouer de cet instrument encombrant. Ni le son sourd, typique de la contrebasse, ni un accompagnement qui coule doucement mais sûrement, ne sont ses objectifs. Les passages de chant lyriques, interprétés dans les parties douces, pincées sont la démonstration par excellence qu’Hélène Labarrière met beaucoup de cœur et de sensibilité dans son travail. Souvent, ces récitations chantantes basculent dans une improvisation bourrée de force. Sa virtuosité lui permet de jouer en même temps la voix de chant ET la voix de basse, de sortir des passages « ostinato » brutalement, d’une seconde à l’autre, pour continuer dans un rythme totalement différent. Ceci nécessite non seulement une technique à maturité après des années de travail, mais aussi une musicalité immense et multiple. Et Hélène Labarrière possède les deux.
Sa prestation la plus impressionnante était l’interprétation de sa propre composition « Mon Pays ». La mort atroce de deux jeunes gens, électrocutés dans une armoire à haute tension mise en musique. Son archet s’abattait sur les cordes, si bien que l’on pouvait apercevoir des étincelles – acoustiques !
Si l’on connaît l’histoire qui est à l’origine de ce morceau, on éprouve pendant ce feu d’artifice de plusieurs minutes davantage l’horreur qu’elle illustre que l’admiration pour prestation musicale, aussi intéressante et virtuose soit-elle. On ne peut imaginer meilleure transcription de ces évènements dramatiques. Labarrière montrait à quel point elle connaît la richesse du son de cet instrument. Elle montrait aussi qu’elle sait s’en servir pour restituer de façon ostentatoire la coulisse sonore de notre quotidien.
Le bis, l’improvisation d’un petit chant très simple, calme et harmonieux était un choix judicieux : Après cela elle pouvait laisser partir les esprits retournés une fois calmés.
Une aventure acoustique d’un autre genre.
Traduit de l´allemand par Andrea Isker
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