Quand le deuil touche l´âme

Quand le deuil touche l´âme

Andreas Haefliger 111

Andreas Haefliger (c) OPS


Il passe lentement, le long cortège funèbre de Gustave III. Devant, le tambour qui donne le rythme du pas lent auquel se conforme le cortège. Il ne faut pas plus que ces quelques coups retenus pour imaginer ce défilé à la perfection. Les dames de la noblesse voilées, vêtues de robes longues, noires, les officiers qui portent par respect pour le défunt leurs couvre-chefs dans leurs mains. Ils se sont réunis pour les obsèques du roi suédois, mort le 29 mars 1792. Il a été victime d’un attentat, perpétré dans la nuit du 16 au 17 mars pendant un bal masqué à l’opéra de Stockholm. Presque 70 ans plus tard, Giuseppe Verdi s’est basé sur ce fait divers pour créer son opéra « Un bal masqué ». En revanche, il était obligé de situer l’action ailleurs et de changer les noms des différents protagonistes, tant les protestations contre le projet de cette œuvre étaient violentes. On avait beaucoup trop peur que cet attentat politique, planifié et exécuté par la noblesse suédoise puisse faire école en l’Italie.
Gustave III a payé l’idée, d’instaurer une nouvelle constitution selon l’exemple anglais, avec sa vie : Trop de privilèges de la noblesse auraient été mis en cause.
Au compositeur à la cour, Joseph-Martin Kraus (1756-1792), incombait le triste devoir de composer la musique pour rendre un dernier hommage au roi. Il a probablement déjà pressenti sa propre mort à la fin de cette même année, tant et si bien qu’on peut très bien interpréter cette œuvre comme un chant d’adieu à sa propre vie.
Que cette symphonie d’enterrement a été jouée à Strasbourg sous la direction de Claus Peter Flor est dû au fait qu’elle n’est que très rarement représentée. C’est sans doute cette circonstance qui a inspiré Marc Albrecht qui signe la programmation de la saison en cours.
Cette soirée n’est pas seulement dédiée à Kraus, mais aussi à Mozart et Mahler. Flor positionne l’orchestre à l’envers comparé à ce qui est d’usage de nos jours : En plaçant les basses du coté gauche et les violons à droite, le chef d’orchestre montre qu’au baroque, les pratiques des représentations orchestrales étaient totalement différentes. L’œuvre de Kraus est une musique de deuil dans laquelle des sons bizarres font des incursions étranges, qu’il s’agisse de sons de trompètes incisifs ou de coups de tambours. La chorale du troisième mouvement qui s’inspire d’un chant sacré suédois, montre à quel point Bach était devenu l’exemple à suivre pour ce genre de musique. Au solo magnifique du cor, qui est un défi pour tout corniste, car le jeu doit être tout en retenue et les sauts sont très importants, suit le canon, qui se propage à toutes les voix et qui commence à vouloir alléger la lourde ambiance de deuil. Kraus, un compositeur bien de son époque, était évidemment de confession chrétienne. C’est pour cette raison que son œuvre laisse transparaitre le message de rédemption, de la résurrection et de la vie éternelle. Il rend supportable ce qui semble insupportable à l’homme et met une lumière tendre au milieu de la noirceur du deuil. Grâce à l’interprétation de Claus Peter Flor cette œuvre destinée à un chef d’état a été ramenée à une dimension humaine et du coup fait honneur à tout être humain.

Avec l’andante du deuxième mouvement du concerto pour piano et orchestre N° 12 de Wolfgang Amadeus Mozart s’opère une communion particulière avec cette dimension humaine de la musique de Kraus évoquée précédemment. Le soliste Andreas Haefliger sait résister à la tentation du pianiste de se positionner auprès du public en tant que technicien possédant une dextérité vertigineuse. Il réussit quelque chose de bien plus passionnant : Il cherche à faire découvrir la structure musicale du morceau et non pas à le « tuer » par la virtuosité pour la virtuosité. Il fait « parler » sa main droite en opposition à sa gauche orchestrale qui agit comme un instrument d’accompagnement. Pendant le deuxième mouvement c’est impressionnant de voir à quel point il réduit le tempo afin de faire effectivement suffisamment de place pour laisser vivre les émotions. Il joue les petits passages rapides et les trilles comme par hasard, comme pour saupoudrer le tout, et n’en abuse pas en en faisant un but en soi. Il brille par sa sensibilité extrême pour la couleur du son sans être obligé d’exagérer. Dans son « dialogue » avec l’orchestre dans le troisième mouvement où l’on perçoit des passages intermédiaires sombres, lourds de pressentiments, il fait preuve d’une musicalité qui se nourrit d’une émotion très profondément ressentie. L’humanité qu’on pouvait entendre était presque palpable. Une chose pratiquement perdue sur scène mais qui a recommencé à luire grâce à Haefliger comme provenant d’une autre dimension. C’était parfaitement audible aussi dans son « bis », un long adagio en si-mineur, KV 540, dont l’interprétation du début frôlait le largo. Dans un style sombre de récit, parfois interrompu par quelques éléments plus clairs l’interprétation de Haefliger illustre que certaines questions restent parfois sans réponse dans la vie, sans qu’on en parle, parce que – selon Wittgenstein – il est impossible d’en parler. L’homme qui prend congé de son public ce cette façon a parfaitement conscience de l’effet que produit sa musique et n’a pas besoin d’agir comme un cheval de cirque devant son piano.

A la fin du concert, avec l’adagio de la 10e symphonie de Mahler, Claus Peter Flor démontre sa façon très différenciée de jouer cette musique et il montre aussi à quel point il plonge lui-même dans l’univers émotionnel musical. Un aspect complémentaire, pédagogique, pour lequel on peut être reconnaissant du reste, constitue le fait que cette œuvre fait l’effet d’une parenthèse par rapport à l’œuvre de Kraus et montre que la musique a connu une évolution fulgurante pendant les cent dernières années. Une soirée sombre, pleine de chaleur humaine : chose que l’on ne peut ressentir en aucun cas devant un écran de télévision.

Texte traduit de l’allemand par Andrea Isker

Obernai ou l’incroyable volatilité de la musique

Obernai ou l’incroyable volatilité de la musique

STYLES Geoffrey

Geoffrey Styles (c) OPS


La longue nef centrale de l’église d’Obernai peut recevoir beaucoup de monde. Peut-être était-ce dû au froid et aux chutes de neige que quelques places étaient restées vacantes. Mais ceux qui ne sont pas venus pour assister au concert de l’OPS, l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg ont raté quelque chose ! Au programme : Mozart et Schubert sous la direction visiblement « enchantée » de Geoffrey Styles qui travaille habituellement à l’opéra de Bordeaux ainsi qu’avec l’orchestre national de Bordeaux Aquitaine.

« Normalement, on entend le divertimento pour instruments à cordes KV 136 de Mozart diiiiii- diiiiii- daba daba daba daba dam diiiiiiiiii-diiiiiiiiiii-diiiiiiiiii » a chanté le chef d’orchestre lors d’une interview qui a précédé le présent concert pour illustrer ses propos en accentuant fortement le thème de l’ouverture du premier mouvement. « Mais nous le jouons différemment » ajoute-t-il rapidement « très légato » ! Et effectivement, on pourrait appeler son interprétation presque « assouplie », s’il n y avait pas l’acoustique de l’église et tous ses pièges. L’espace d’une hauteur impressionnante – l’orchestre était placé sous l’intersection de la nef – laissait échapper chaque son avant même qu’il ait pu prendre de l’ampleur, ce qui justifiait le mouvement tout en légato de Styles. Plus le son est long dans cet environnement, plus la musique est compréhensible. Et si c’est cela qui a guidé son choix, son option était bonne et clairvoyante.

Ce qui était à peine perceptible dans les aigües était souligné dans les fréquences basses. Du coup, c’était l’heure de gloire des violoncelles et des basses. Ils nourrissaient spécialement Mozart avec une structure sonore très claire mais jamais froide à laquelle on prêtait volontiers attention. Cette œuvre de jeunesse de Mozart a répandu la joie et la légèreté et donnait presque l’impression qu’il s’agissait d’une soirée sans profondeur. Erreur ! C’était plutôt l’introduction d’une œuvre qui exige des solistes un savoir faire suprême, une musicalité sans égal et beaucoup de souffle !

GIOT1 photo meyer Wanner

Sébastian Giot (photo: meyer wanner)


L’interprétation du concerto pour hautbois et orchestre, KV 314, de Sébastien Giot, premier hautbois de l’OPS a au sens propre du terme interpelé l’auditoire. Malgré un rhume, il a fait sortir toutes les couleurs de son possibles et imaginables de son instrument et a obligé le chef d’orchestre à le suivre – en non pas l’inverse ! Geoffrey Styles était bien inspiré de soumettre l’orchestre aux propositions de Giot. Et c’était la preuve aussi qu’il est un chef d’orchestre sans allures de star, sans égo surdimensionné. C’est un trait de caractère très agréable qui se distingue des « tendances de marché » de cette profession.
Mais Giot était définitivement la distribution idéale ce soir-là ! Tous ceux qui ont eu le plaisir de l’entendre en tant que soliste, l’entendront à l’avenir certainement parmi les autres instruments à vent de l’orchestre. Techniquement brillant, mais aussi grâce à sa musicalité qui inspire le plus haut respect, Giot faisait entendre des détails qui passent parfois inaperçus chez beaucoup de ses collègues qui pèchent par une trop grande virtuosité technique. Son interprétation pouvait être mélancoliquement chantante ou alors brillante et scintillante – on ne pouvait rêver mieux. Et quand on sait à quel point des voies respiratoires libres sont importantes pour les joueurs d’un instrument à vent peut mesurer la prouesse musicale et physique que le jeune musicien a accompli ce soir-là ! Encore Bravo pour cette prestation exceptionnelle !

Avec la troisième symphonie de Schubert, Styles s’est montré très exigeant vis-à-vis des musiciens, mais aussi vis-à-vis du public. Le tempo qu’il faisait jouer était époustouflant et cette dynamique vertigineuse encerclait le premier et le dernier mouvement merveilleusement. Même si le public n’avait pas connu le caractère de Schubert, après avoir entendu cette interprétation, celui-ci n’avait plus aucun secret pour l’auditoire : Gai et mélancolique, nerveux et toujours en mouvement vers l’avant, tout comme la symphonie de ce soir. Une œuvre qui, par erreur, est souvent considérée comme un « poids musical léger »

Autant les sons des trois concerts s’étaient volatilisés dans les voûtes de l’église d’Obernai, autant ceux du bis s’accrochaient aux conduits auditifs des visiteurs pour ne pas en sortir avant un long moment.
Ces sons étaient ceux de la « petite déclaration d’amour » d’Edward Elgar, un compositeur qui trouve de plus en plus souvent sa place dans les salles de concert. Et c’est parfaitement justifié : Le motif cajoleur a accompagné le public pendant longtemps, ce qui montre une fois de plus, que la bonne musique peut aussi être « tricotée » avec des points très, très simples.

Ici une petite impression enregistrée du Obernai.tv

Texte traduit de l’allemand par Andrea Isker

Encore du rhum! Encore du rhum!

Encore du rhum! Encore du rhum!

PIRATES EDUCATIF@Pascal Ba..

Piraten (c) OPS

« Encore un tonneau de rhum ! » ont crié les élèves du primaire. « Encore un tonneau de rhum » a hurlé l’OPS , l’Orchestre Philharmonique National de Strasbourg de toutes ses forces. Dans la salle Erasme à Strasbourg, les pirates ont été incontrôlables : Les petits avec leurs moustaches peintes et leurs sabres en carton, les grands sur la scène, avec – en partie – des barbes authentiques et leurs instruments. Au milieu de ce joyeux vacarme on pouvait entendre de la musique – et – il y avait Alasdair Malloy, dit « Al le terrible » pour la circonstance : Il accompagnait le tout en racontant, en chantant et en dansant! On jouait des morceaux de Rossini, de Johann Strauss fils et de Mendelssohn Bartholdi. Mais on pouvait aussi entendre la musique que des millions de gens reconnaissent, écrite par des compositeurs dont les noms sont pourtant inconnus : Alan Menken, Klaus Badelt ou Hans Zimmer. Ils ont créé la bande sonore de films comme « Le trésor des caraïbes » ou « La petite sirène », promus depuis longtemps au rang des classiques incontournables pour la jeunesse.
Ceux qui pensent, qu’un concert est au-delà de ce que des enfants entre 6 et 10 ans peuvent comprendre et apprécier, se trompent totalement.
L’OPS a récidivé pour la quatrième fois – cette fois-ci sous la direction de Geoffrey Styles – et il a montré une fois de plus, qu’une heure dans une salle de concert n’est pas trop longue pour des élèves en primaire grâce à Alasdair Malloy ! Le musicien britannique, premier batteur du BBC Philharmonic Orchestra a imaginé un programme autour du thème des pirates – toujours aussi passionnant. Déguisé en pirate, il accompagnait la représentation et de temps en temps il « se servait » de Geoffrey Styles en lui demandant de l’aider à traduire son texte anglais en français. Comme par exemple quand il a raconté la découverte du trésor des pirates. Ayant pris la précaution de convenir d’un signe secret avec les enfants à l’aide duquel ils pouvaient lui faire remarquer qu’il avait oublié de faire traduire son récit. Tout excités, ils gesticulaient avec leurs petites mains qu’ils mettaient à coté de leurs oreilles pour lui faire comprendre qu’il devait leur parler en français. Quelques instants plus tard, Malloy leur a attribué le rôle du chef d’orchestre et leur faisait diriger l’ensemble. Les musiciens s’étaient détournés de leur chef d’orchestre pour se tourner vers son petit public. De cette façon tout le monde a mis les voiles pour faire une découverte musicale après l’autre sous un vent favorable. Les petits étaient ravis de faire partie du chœur pour chanter la vie sauvage des pirates à pleins poumons.
Cette aventure restera encore pour longtemps dans la mémoire et dans les oreilles de tous ceux qui y ont participé. Et – qui sait ? Peut-être mettra-t-elle l’un ou l’autre des spectateurs hauts comme trois pommes devant un pupitre de chef d’orchestre – ou du moins dans un fauteuil d’abonné de l’OPS !

Texte traduit de l’allemand par Andrea Isker

L’OPS est « humain » – est c’est bien!

L’OPS est « humain » – est c’est bien!

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Heinrich Schiff (photo: Alexander Basta)

Au premier concert de l’année 2010, l’OPS, l’orchestre philharmonique de Strasbourg a du faire face à un défi de taille: Une semaine avant la représentation, l’invité, le chef d’orchestre Sir Andrew Davis a annulé sa venue pour cause de graves problèmes familiaux. Pour un orchestre qui a l’habitude de travailler avec beaucoup de chefs d’orchestres différents, ce n’est pas vraiment dramatique. Mais quand en plus il faut modifier le programme et qu’une partie du concert est remplacée par une autre, même des musiciens aussi routiniers que ceux de l’OPS commencent à transpirer. Si c’était réellement le cas, je ne saurais le dire. Mais que les membres de l’orchestre ont du faire face à un défi majeur, ça c’est sur!

Le chef d’orchestre autrichien Heinrich Schiff a remplacé Sir Davis à la dernière minute. Mais il a changé le programme et à la place de l’ouverture du concert OP 50 d’Edward Elgar il a fait jouer la suite de l’oiseau de feu n° 2 d’Igor Stravinsky dans sa version de 1919.
L’entrée en matière était faite avec la « Meditation and Dance of vengeance op 23 » de Samuel Barber. L’introduction scintillante, annonçant le malheur, était une démonstration de l’interprétation sensible du drame antique de Médéa par l’orchestre. La tension acoustique était en progression constante, de plus en plus menaçante. Il va de soi que la fin dramatique a permis de constituer toutes les chaînes d’association donnant accès à cette figure antique dramatique, qui a tué ses propres enfants pour se venger de son mari. Une fois de plus on pouvait s’adonner sans retenue au style de Barber au sens propre du terme. Même si l’orchestration était une version du ballet original de 1956, elle n’était pas avare en moyens stylistiques, aussi bien lyriques que dramatiques, qui flattaient l’ouïe du public ou alors qui lui faisaient dresser l’oreille.

A cette introduction sensible et impressionnante a suivi l’oiseau de feu de Stravinsky auquel Heinrich Schiff a donné vie de façon vigoureuse. L’oiseau merveilleux a déplié ses ailes d’entrée de jeu pour prendre son envol plein de grâce. La joie qu’éprouvaient les musiciens en collaborant avec ce chef d’orchestre pouvait se lire sur leurs visages. Schiff donnant le top pour le début de la danse d’enfer du roi Kastschej de façon inhabituelle en comptant à haute voix « toc-toc », amusait drôlement les musiciens – et pas seulement eux ! Que cela ne tienne ! Le chef d’orchestre cravachait à travers la musique endiablée de sorte qu’elle faisait littéralement des étincelles. Une fois de plus, dans des soli impeccables, les cuivres faisaient preuve de virtuosité. Schiff leur a fait honneur par des applaudissements particuliers. En accompagnant la berceuse à la limite de la perceptibilité, les instruments à cordes prouvaient qu’ils étaient capables de faire chuchoter leurs instruments tels qu’une voix. Un savoir faire d’une qualité suprême.

Le troisième morceau, la symphonie N° 3 en do-mineur, op 78, extrait de la symphonie pour orgue de Camille Saint-Saëns confirmait le choix du registre dramatique de la soirée. Comme c’était déjà précédemment le cas lors de représentations dans la salle de concert, celle-ci aussi souffrait de la qualité de son médiocre de l’orgue électronique joué par Thierry Escaich. D’autant plus brillants étaient alors les passages du piano. Eux en revanche sont pratiquement inaudibles lors des représentations dans des églises avec un grand volume d’écho.
Les violoncellistes étaient visiblement très motivés dans ce morceau. Ce n’est guère étonnant, car Schiff a la réputation d’être parmi les plus grands sur cet instrument sublime. De l’avoir en personne devant soi comme maestro doit avoir un effet plus que stimulant sur les musiciens et musiciennes. Une circonstance qui mérite d’être soulignée. Car spécialement les violoncellistes n’ont non seulement montré aucune dissonance, si petite soit elle, mais ils ont fait preuve également d’un engagement artistique énorme. De les voir franchir un palier supplémentaire était impressionnant. Que quelques toutes petites faiblesses étaient perceptibles chez les cornistes soit seulement dit en passant pour clore cette critique. Une soirée parfaitement réussie ou l’OPS a eu le droit pour une fois d’être …….humain!

Texte traduit de l’Allemand par Andrea Isker.

Une bonne année avec l`OPS

Une bonne année avec l`OPS

Karouis Fayçal (photo: Paul Kolnik)

Karoui Fayçal (photo: Paul Kolnik)

Des baguettes qui scintillaient, un chef d’orchestre qui dansait et un public qui hurlait sur commande et en cadence « mambo » – voilà les ingrédients du concert de la Saint-Sylvestre proposé par l’OPS, l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg.

George Gershwin, Leonard Bernstein ainsi que des compositeurs moins célèbres accompagnaient l’auditoire tout en rythme pour finir l’année 2009. Faiçal Karoui, le chef d’orchestre invité pour l’occasion a mis une sacrée ambiance dans la salle de concert. Il ne respectait en rien les règles de la bienséance en vigueur pour tout chef d’orchestre qui se respecte et c’était très bien ainsi ! (Ces règles établies par Richard Strauss interdisent entre autres aux chefs d’orchestre de…. transpirer !) Karoui, chez qui la musique produisait un effet immédiat sur les jambes, difficile d’interpréter ses numéros de danseur au pupitre autrement, enthousiasmait le public de la salle où ne restait pas une seule place de libre. On avait l’impression qu’il aurait dansé autour de l’orchestre tout en le dirigeant si seulement il avait eu assez d’espace pour le faire !

Fabien Ruiz et ses quatre danseuses de claquettes montraient également que ce programme de la Saint-Sylvestre n’était pas seulement fait pour être écouté. Quand la chanteuse Gilda Solve qui est originaire des Etats Unis lui lançait avec sa voix douce et claire: « I got rythm », le danseur relevait le défi et l’étincelle de son art se transmettait directement au public. « Summertime » – la chaleur estivale était de rigueur dans la salle : D’une part, grâce à l’interprétation très personnelle des danseurs, d’autre part, grâce à l’accompagnement profond et sensible de l’orchestre qui soulignait ce rêve musical. Les musiciennes et musiciens faisaient scintiller l’air et sauter les petits poissons – selon le texte d’Ira Gershwin.

A l’aide de John Adams et son « Short ride in a fast machine », d’Arturo Marques et son oeuvre « Danzon n° 2 pour orchestre » et de « Feu d’artifice » l’œuvre de Guillaume Connesson qui date de 1998, Karoui a prouvé que les compositeurs contemporains savent divertir eux-aussi ! Une très belle idée pour faire comprendre au public pendant cette soirée au rythme entraînant, que la peur de la nouveauté n’est qu’un piètre conseiller.

De plus, les diverses prestations était visuellement soulignées par un spectacle de lumière qui ramenait le ciel étoilé, les plages aux palmiers géants et le feu d’artifice directement dans la salle de concert. Si l’année 2010 tient pour l’OPS ce que l’année 2009 promettait dans ses dernières heures musicales, on ne peut que s’en réjouir.

Je profite de l’occasion pour souhaiter à tous les membres de l’OPS une année artistique passionnante, couronnée de succès.

Texte traduit de l’Allemand par Andrea Isker

Le messie est venu à Strasbourg

Le messie est venu à Strasbourg

John Nelson dirigierte den Messias in Strasbourg (photo: David Zaugh)

John Nelson dirigierte den Messias in Strasbourg (photo: David Zaugh)


Pour la première fois depuis 20 ans, le « Messie » de Georg Friedrich Händel était joué à Strasbourg sous la direction de John Nelson. L’Orchestre Philharmonique de Strasbourg en collaboration avec le chœur d’environ 100 personnes qui était dirigé par Catherine Bolzinger, a préparé un concert au public strasbourgeois où rien ne manquait: ni brillance, ni perfection, ni profondeur.

L’invité, le chef d’orchestre américain est, notamment grâce à sa collaboration avec « Soli Deo Gloria », un spécialiste des représentations de musique sacrée. Il a créé avec un ensemble réduit aux dimensions baroques, un détachement spécial de l’OPS en quelque sorte, une superbe interprétation de l’œuvre sacrée la plus célèbre du compositeur baroque. La fidélité à la sonorité historique et la force d’expression en étant les principaux ingrédients. Avec le soutien de la soprano Laura Mitchell, le contre-ténor Lawrence Zazzo, le ténor Rainer Trost et le bassiste Andrew Foster-Williams, l’orchestre et le chœur ont raconté l’histoire de Jésus traduite en un langage musical tout en sensibilité. Ils racontaient son histoire au sens propre du terme : non seulement les solistes, mais aussi le chœur s’exprimaient avec force et clarté. La langue anglaise est pour beaucoup de formations francophones un défi majeur. Mais pour le chœur de l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg ce n’est pas du tout le cas. Toutes les syllabes étaient parfaitement audibles, sans la moindre trace d’un accent français. C’est la preuve d’un travail de répétition sans faille. Mais non seulement la prononciation était impeccable. L’interprétation sensible qui collait au plus près au texte permettait au Messie de revêtir un nouvel habit musical. Comme c’était d’usage à l’époque baroque, les paroles importantes étaient soulignées – comme pointées par un index musical. Andrew Foster-Williams a atteint le sommet dans cet art : Sans limite aucune avec un souffle quasi inépuisable il faisait enfler et désenfler l’immortalité, «immortality » en une phrase musicale sans fin. Ce savoir-faire forçait l’admiration de tous. Dans cette même aria intervenait Jean-Christophe Mentzer et sa trompette. Mentzer – tout comme ses collègues – ne jouait pas avec une force brachiale, mais il utilisait un rythme et une dynamique très différenciés. Ses échos étaient assourdis. Ainsi il accompagnait Foster-Williams en utilisant son instrument comme une deuxième voix. Les quatre voix des solistes étaient merveilleusement accordées dans leur sobriété. Il y avait comme un concours merveilleux entre le chœur et les solistes. John Nelson réussissait à merveille à mettre l’orchestre sous les feux de la rampe là où la tâche d’accompagnateur ne lui incombait pas. Les basses et les violoncelles ronronnaient magnifiquement quand ils soutenaient les voix des chanteurs. On ne décelait aucune dureté. Les instruments ne faisaient que chanter et bercer.

Pour décrire les voix de l’orchestre il conviendrait de les définir comme étant sobres, sans pathos mais très expressives et convaincantes. Le chef d’orchestre John Nelson a articulé chaque syllabe et a soutenu avec des gestes spectaculaires et efficaces les musiciens et musiciennes.

Le public qui a assisté à la représentation du 18 décembre a été remercié pour ses applaudissements enthousiastes avec un puissant « Alléluia » renforcé des voix des solistes. Si John Nelson n’avait pas fini par enlever la partition du pupitre, les applaudissements n’auraient sans doute jamais pris fin.

Texte traduit de l’Allemand par Andrea Isker