Il faut que les strasbourgeois sachent que l’exposition temporaire, actuellement donnée au musée Tomi Ungerer, en vaut le détour.
« Politrics » présente un large aperçu des caricatures et commentaires politiques féroces d’Ungerer qui n’épargne ni les pays de l’est ni ceux de l’ouest.
Enfant déjà, Ungerer a immortalisé ses impressions de la deuxième guerre mondiale en dessinant des soldats d’une façon telle que la guerre elle-même paraissait être une caricature. Plus tard, l’artiste a exprimé son opposition féroce au nucléaire à l’aide de nombreux dessins: des paysans qui extraient des têtes de mort de la terre, ce que d’autres font avec des navets. La signature haineuse « Atome, la force par la joie » qui figure sous le dessin représentant l’Atomium de Bruxelles dont les sphères ont pris la forme de crânes, parle d’elle-même. La police de l’écriture « fractionnée » est une allusion plus qu’évidente aux camps d’extermination des nazis. Ce ne sont que deux exemples parmi d’autres grâce auxquels Ungerer cherche à tirer l’attention de ses contemporains sur les dangers imminents du rayonnement radioactif.
Ungerer n’a pas non plus hésité à dénoncer le national-socialisme lui-même : un singe au zoo derrière les barreaux d’une cage «ornée» d’une croix gammée lève sa main à la manière d’Hitler pour saluer les visiteurs qui s’arrêtent devant lui. Il est difficile d’illustrer de façon plus incisive l’ignorance politique de la population à cette époque.
La critique du communisme prend la forme d’un grand poisson qui, muni d’un marteau et d’une faucille avale tout un banc de poissons.
Deux sujets dessinés respectivement en 1970 et en 1995 sont d’une actualité politique criante : sur l’un d’eux on aperçoit des cheikhs arabes enchaînés les uns aux autres par un pipeline, sur l’autre un muezzin qui appelle à la prière à partir d’un clocher d’une église gothique…….
Un noir qui manque de s’effondrer sous le poids d’une croix ornée de « stars and stripes » n’est pas le seul exemple de l’œuvre d’Ungerer qui cherche à dénoncer les injustices dont les Etats Unis se sont rendus responsables.
Les caricatures féroces d’Ungerer n’épargnent aucune idéologie, aucune grande puissance. C’est précisément la raison pour laquelle cette exposition est si importante : elle montre Ungerer comme un être humain qui, libre de toute influence idéologique pense par lui-même, se forge sa propre opinion politique et n’hésite pas à la faire connaître.
Quelques feuillets dessinés pour la presse par Max Fabre sous le pseudonyme « Jo Vendôme » complètent cette exposition détonante.
Max Fabre dédie toute une petite série de caricatures à la vie politique française. L’une des images qui se passe de commentaire est celle d’un petit garçon qui s’envole avec un ballon rouge tout en tirant sa langue bien rouge, elle aussi. Il flotte au dessus d’une société qui s’ennuie mortellement.
«Politrics», qu’on peut encore voir jusqu’au 29 mars prochain, est un exemple pour illustrer qu’une bonne exposition peut parfaitement aiguiser le sens critique de son public.
Grenouille pour jeu de balle, R. Ackermann, entre 1906 et 1918, chromolithographie, 129 x 58 cm. Strasbourg, Cabinet des Estampes et des Dessins. (c) Photo : M.Bertola
L’imagerie populaire de Wissembourg
Un chinois à la bouche ouverte et au regard méchant, un gorille avec un haut de forme à la main, une image sainte avec un cadre doré, un jeu de société, l’éruption du Mont Pelé qui a eu lieu à la Martinique en 1902, mais aussi des têtes de lapins de pâques et des pères Noël : On peut admirer tout ceci et encore davantage sur de grandes feuilles de papier multicolores à la galerie Heitz au Palais Rohan à Strasbourg. Grâce à l’exposition «Des mondes en papier – l’imagerie populaire» organisée en collaboration avec le musée alsacien, le visiteur a l’occasion de se familiariser avec un chapitre particulier de la culture populaire alsacienne: les travaux de l’entreprise Wentzel, fondée en 1839 à Wissembourg. Au 19e siècle, cette entreprise fut l’une des plus importantes pour l’impression des lithographies en couleur. Ses produits furent distribués dans toute l’Europe. En transitant par un dépôt à Paris, les feuillets étaient livrés dans toute la France, mais également plus au sud, jusqu’en Arabie Saoudite. L’Alsace fut le point de départ pour les cargaisons destinées à l’est européen, jusqu’à la Pologne.
Après une histoire riche en changements, aussi riche en changements que l’histoire même de l’Alsace, l’entreprise a cessé son activité cent ans après sa création.
Gare de chemin de fer, Fr. Wentzel, entre 1865 et 1869, lithographie colorée, 30,5 x 45,2 cm. Strasbourg, Musée Alsacien (c) Photo : M.Bertola
Jusqu’en 1870, l’année où l’Alsace fut conquise par les Allemands, la production de Wentzel fut pratiquement 100 % bilingue, car la clientèle alsacienne savait lire et écrire l’allemand. Si à ses débuts l’entreprise se consacra essentiellement à la diffusion de motifs religieux, ses dirigeants comprirent très vite que les affaires avec les enfants étaient au moins aussi lucratives. Des jeux, de petites poupées, des coulisses de théâtre et des feuillets d’images «optiques » furent distribués par des représentants itinérants et également par l’intermédiaire des librairies. Mais Wentzel n’a pas seulement diverti la population. L’entreprise a également contribué à son instruction, tout en soutenant le pouvoir en place. Sous forme de séries historiques on a fait connaître de façon imagée la vie de héros de romans légendaires à la population. Les portraits des grandes figures républicaines et même le pape ont trouvé leur chemin dans les foyers où à l’époque la télévision ne faisait pas partie du décor.
La production de l’entreprise Wentzel était la preuve que déjà à cette époque les alsaciens avaient différentes confessions: en plus des motifs chrétiens comme le cœur Jésus ou la vierge Marie, on pouvait y trouver des motifs luthériens comme les portraits des grands réformateurs Martin Luther, Philippe Melanchton, Jean Calvin, Ulrich Zwingli et Jean Hus. Des images juives, comme Moïse et les 10 commandements et même des sourates du Coran étaient également imprimées. Ces derniers étaient sans doute des commandes venant de l’étranger. Wentzel imprimait tout ce qui pouvait rapporter de l’argent.
A cette époque, l’entreprise faisait partie des cinq sociétés les plus importantes sur le continent. La concurrence dans le secteur était rude. Débaucher des collaborateurs qualifiés était un acte qui était souvent suivi par une action en justice, une collaboration entre les différentes entreprises était en ce temps-là totalement exclue.
Au 19e siècle, chaque feuillet était soumis à la censure de façon à empêcher toute diffusion d’idées qui auraient pu porter atteinte à la sécurité de l’Etat.
La promenade à travers l’exposition permet d’apprendre au sujet de la diffusion des événements par l’image: des évènements comme l’incendie de l’opéra de Paris en 1887, ou alors la rébellion des Hereros en 1904 en Afrique de l’ouest allemand nécessitaient au moins quelques semaines pour faire le tour du pays.
Les images à taille réelle représentant de belles dames, des chasseurs, des fous du roi, des chevaliers, des cartes de jeux et tant d’autres sujets composés de 4 feuillets, servaient à décorer les murs des petits bistrots et des brasseries associatives. De cette façon, ces dernières ont réussi à se fabriquer une image moderne et porteuse de message.
« Des mondes de papier » c’est une promenade à travers l’histoire du 19e et du début du 20e siècle. Une époque, où les images étaient encore rares mais l’imagination d’autant plus fertile.
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L´implantation du camp romain de Strasbourg-Argentorate au coeur de la ville actuelle (c) AIRDIASOL. Rothan/ dessin Ch. Gaston, Inrap
Argentorate – le nom romain de la ville de Strasbourg- est le titre d’une petite exposition qui se tient au musée archéologique de Strasbourg. Ce musée est hébergé dans le Palais Rohan. Il a pris ses quartiers au sous-sol du palais, on aurait presque envie de dire c’est du bon sens pour un musée archéologique.
Cette exposition temporaire s’articule autour des objets trouvés lors des dernières fouilles qui ont eu lieu à différents endroits de la ville même de Strasbourg. Ces objets corroborent les connaissances développées du temps des romains sur la ville de Strasbourg: à partir du premier siècle après Jésus Christ, la ville a servi de camp à une légion romaine. Les objets sortis du sol nous renseignent sur le quotidien des soldats ainsi que sur leur nourriture dont témoignent des coquilles d’huitres, des restes d’agrumes et de l’huile d’olive. L’approvisionnement étant assuré par l’empire romain.
« Strasbourg – Argentorate » cette petite exposition très intime qui, grâce aux différentes maquettes telles celles des logis des soldats dont les murs auraient été couverts de fresques, offre aux visiteurs la possibilité de se faire une idée vivante de ce chapitre lointain de l’histoire de leur ville.
Italiennes et italiens en habit traditionnel, des ruines antiques en grand nombre, un panorama où l’on aperçoit une mascarade et des paysages baignés d’une lumière douce : tout ceci est encore à voir jusqu’au 22 août au musée des beaux arts à Strasbourg. Le titre «Le théâtre de la vie italienne» indique ce que montre cette exposition bien conçue : Des œuvres représentant l’Italie. Des tableaux d’un artiste français peu connu (1718 – 1763) faisant face à ceux de ses contemporains, dont Honoré Fragonard.
La dernière acquisition du musée, le tableau de Barbault intitulé « Berger et bufflesse sortant d’une grotte », est à l’origine de cette exposition. Ce tableau montre une grande bufflesse au ventre rond, qu’un jeune homme en habit traditionnel italien du 18e siècle essaie en vain de faire avancer.
La petite cravache qu’il tient d’un geste gracieux contre l’arrière train de l’animal, plutôt que de le frapper, ne fait pas réagir la bête. Elle reste plutôt immobile, bien ancrée dans le sol devant une grotte d’où ils semblent sortir. Une interprétation possible de cette œuvre pourrait être une approche contemporaine de la légende grecque d’Io. Cette derniere, convoitant Jupiter, fut transformée en vache par celui-ci à cause de sa femme jalouse. Mercure, le messager des dieux, est finalement envoyé pour améliorer le sort d’Io et pour la libérer de la surveillance d’Argus. Et ainsi, comme on peut le lire dans le catalogue qui accompagne l’exposition, le berger très chic du 18e siècle pourrait être une interprétation de Mercure du 18e siècle – pourrait, mais c’est loin d’être sûre ! Aucun document ne confirme cette théorie. De toutes les manières, les indications concernant Jean Barbault sont très rares. Ce qui est incontestable, c’est qu’il était boursier de l’académie de France à Rome, même s’il n’avait pas gagné le prix pour le séjour, ce qui, normalement, était la condition «sine qua non». C’était plutôt le soutien du directeur de l’institut qui a permis à l’artiste de séjourner à l’Académie à Rome. Les rares faits avérés sont son mariage avec une italienne pendant son séjour en Italie et les dettes importantes qu’il avait contractées. Ce que fut sa vie par la suite fut perdu dans les méandres de l’histoire.
L’exposition donne un bel aperçu des différentes catégories des œuvres peintes à cette époque par les artistes français qui entretenaient des rapports particuliers avec l’Italie : Il s’agissait de paysages urbains où la Rome antique prédominait, de portraits, de sujets religieux et de peintures historiques, mais aussi de peintures de genre. Dans une petite salle intime, on peut voir des peintures de Barbault. Ce sont de petits formats, peints en souvenir d’un voyage en Italie. Ces œuvres montrent à quel point l’artiste a cherché à animer des motifs identiques par des détails. Sa belle « Femme de Frascati » par exemple, ou les «Vénitiennes» ou encore les «Hommes de la garde Suisse» faisaient partie des « peintures souvenirs » très appréciées que l’on rapportait volontiers d’un voyage en Italie. Même s’ils étaient un peu plus chers que les cartes postales de nos jours. Et effectivement, ces nobles messieurs faisant le tour d’Italie avaient bien plus d’argent en poche que le touriste moyen d’aujourd’hui. Noblesse oblige quoi qu’il en soit, même pour des achats de souvenir.
L’œuvre la plus célèbre de Barbault est belle à couper le souffle : « La mascarade des quatre continents » s’étend sur une longueur inhabituelle de quatre mètres pour une largeur de 38 cm seulement. Ce tableau est une esquisse qui montre un défilé costumé devant le palais Mancini à Rome, où l’ancienne académie avait élu domicile, de ceux qui détenaient une bourse. La richesse somptueuse des costumes imaginaires des habitants des quatre continents connus à l’époque (Amérique, Europe, Afrique et Asie), mêlés à des chars, enchante encore aujourd’hui le regard du visiteur. Tout à fait à droite du tableau on aperçoit un homme en cape marron, des guêtres blanches aux pieds, portant un pantalon bleu. Ce personnage ressemble à s’y méprendre au vacher qui figure sur le tableau qui clôt l’exposition et qui en est la vedette. Barbault se serait immortalisé lui-même ?
La particularité de cette exposition, ce ne sont pas seulement les tableaux qui offrent une vue d’ensemble de l’école franco-italienne du 18e siècle, c’est sa conception intelligente, passionnante et drôle qui emmène les visiteuses et visiteurs pas après pas, tableau après tableau vers cette peinture au sujet extravagant et énigmatique, où la bufflesse refuse de bouger, ne serait ce que d’un petit mètre. La bufflesse qui, présentée différemment, aurait pu passer inaperçue, est promue ici « superstar » de l’exposition.
Vous trouverez d’autres informations sur le site : https://www.musees-strasbourg.org/sites_expos/barbault/
Rue des Deux Ponts - 2009/13:42, aus der Fotoserie "Übergangenes Paris" von Manfred Koch (c) Manfred Koch
Nous piétinons chaque jour ce que l’on peut encore voir jusqu’au 18 mai à Francfort im Haus am Dom : des passages piétons, pour la plupart situés à Montmartre, à Paris, où on les regarde à peine. Manfred Koch les stylise pour les élever au rang d’œuvres d’art.
« Du sol au mur » c’est ainsi que l’on pourrait résumer le concept de l’exposition. Mais cette transformation est possible uniquement parce que Manfred Koch regarde le monde avec des yeux « différents ».
Rue Lamarck - 2009/09:43, aus der Fotoserie "Übergangenes Paris" von Manfred Koch (c) Manfred Koch
Lors d’une de ses visites parisiennes, Manfred Koch a constaté qu’il était possible de voir dans les déformations du goudron peint à Montmartre des personnages ou des visages – à condition d’avoir l’œil ! Au cours d’un certain nombre d’années toute une série de photos a vu le jour. « Tous les deux ou trois ans, je suis retourné voir les mêmes passages piétons pour retrouver les formes que j’avais vues. C’était à chaque fois, comme si j’allais voir une vieille connaissance » explique Koch ce long concept évolutif. Certaines choses ont beaucoup changé, d’autres moins, d’autres encore ont totalement disparu ou alors ont subi des modifications telles que l’image initiale n’était plus du tout identifiable. Un processus de dissolution qui s’apparente à s’y méprendre à celui de l’être humain.
Rue Durantin - 2009/13:04, aus der Fotoserie "Übergangenes Paris" von Manfred Koch (c) Manfred Koch
Les photos de Manfred Koch n’ont pas de titres. Les formes anthropomorphes ne portent que des noms de rue ou alors des chiffres, qui définissent d’un coté l’endroit, de l’autre, l’axe du temps où les photos ont été prises. Mais ses photos sont plus que des instantanés. Elles ne sont retravaillées sur ordinateur que pour accentuer la lumière, faire ressortir certains contrastes, ou alors occulter des détails sans importance. De cette façon, les images ne sont que légèrement modifiées, mais tout de même. Le travail de Koch se situe dans la tradition artistique qui accorde à la photographie sa propre expression esthétique, impossible à obtenir par un autre moyen. Le terme « Poésie du quotidien » décrit une autre caractéristique de son art.
Le point de départ de l’exposition de cet artiste originaire de Bamberg est sa ville natale, justement. Du 2 au 30 novembre, ses œuvres seront exposées là où elles ont été créées – à Paris !
Pour plus d’information vous pouvez consulter son site web .