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Gautier Capucon (c) Virgin

Le dernier concert symphonique joué par l’OPS à Strasbourg a été bâti pour l’occasion du 1er novembre, jour dédié à la mémoire des morts. Mais l’émotion suscitée par la musique n’avait rien à voir avec un deuil lourd et écrasant. Il s’agissait plutôt d’une sorte de tristesse d’une grande beauté dont on aurait presque pu tomber amoureux.

En début de soirée le jeune chef d’orchestre Christian Arming, originaire de Vienne, a surpris le public avec un morceau rare: la musique de deuil pour instruments à cordes de Witold Lutoslawski. Cette œuvre est l’illustration d’un contre-point bien pensé et montre à quel point une telle composition est agréable à entendre. Même si ce compositeur du 20e siècle était déjà très loin des schémas de composition historiques. Ce morceau dédié à Béla Bartók enchanta le public non seulement par la finesse de sa composition mais également par ses ambiances sombres et tendres qui basculèrent dans une sorte de tension pour finir avec un merveilleux solo de violoncelle, superbement joué par Alexander Somov. Une fin songeuse plutôt que triste.

D’emblée ce premier morceau a montré que le travail d’Arming consistait à soutenir l’orchestre plutôt que de lui imposer sa volonté. La fine gestuelle du chef d’orchestre et un langage du corps très parlant suffisaient à accompagner la musique sans que celui n’ait à exiger la moindre participation des musiciennes et musiciens.
Pour cause de maladie, Arming a remplacé Heinrich Schiff au pied levé. Schiff était censé diriger cette soirée à partir de son violoncelle. La tache de son remplaçant qui devait diriger ce large répertoire à l’improviste était donc difficile.
Après Lutoslawski, on a pu entendre le concerto n° 1 op. 33 pour violoncelle de Saint-Saëns. Cette œuvre est une merveille de concerto pour violoncelle en solo: des passages virtuoses et d’autres, magnifiquement lyriques ont enchanté le public. Gautier Capuçon qui a remplacé Schiff au violoncelle fut à la hauteur de sa réputation: jeune et dynamique, puissant et en même temps sensible.
La magie du musicien a également opéré dans l’Elégie de Faure qui devait suivre. Pendant que l’on jouait cette œuvre, le public pouvait se rendre compte que Capuçon non seulement « remplissait » chaque mesure jusqu’à la dernière note, mais qu’il était totalement absorbé par la musique quand bien même il ne jouait pas. Sa force et son sérieux sont extraordinaires pour son jeune âge (il est né en 1981). Il sera très intéressant de suivre l’évolution de ce talent hors norme.
Avec une petite marche de Prokofiev pour violoncelle, Capuçon fit ses adieux au public tout en mettant en valeur encore une fois le son magnifique de son instrument.
Grâce à son physique, il fait partie de ces jeunes musiciens qui sont adulés parce qu’ils sortent visuellement du rang de « l’establishment ». Ce physique et sa personnalité sympathiques réussiront certainement à attirer davantage de jeune public dans les salles de concert.

En contraste total, la symphonie n° 82 de Haydn, déjà très appréciée par le public parisien du vivant du compositeur, devait clore cette soirée. Elle a été mise au programme à la place de la symphonie n° 98, initialement prévue.

Changement radical: du programme « français », pratiquement conçu sur mesure pour l’OPS, on est passé à la sonorité baroque du vieux maître autrichien. Il faut beaucoup de temps pour réussir à interpréter les ruptures et la précision de l’œuvre de Haydn. Ou alors, il faut être spécialisé dans la musique baroque. Il n’est donc pas étonnant que ce soir-là, on a entendu un Haydn tout doux et caressant, bien qu’harmonieux. Un peu plus de mordant et de peps lui auraient fait du bien.

Une soirée de concert de l’OPS aux multiples facettes.

Texte traduit de l’allemand par Andrea Isker

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