Le grand garage est peu accueillant, il est encombré de pneus de voiture, de barres et de planches. A l’intérieur du garage traînent trois jeunes gens. Ils ne se parlent pas. Deux d’entre eux observent le troisième qui essaie de se hisser sur une planche sans s’aider de ses jambes. Juste avant de réussir, un coup de pied brutal fait tomber la planche et le garçon atterrit de tout son long durement sur le sol. Suit une véritable bagarre qui ne devait pas rester la seule ce soir-là ! Ils auraient encore plusieurs fois avoir maille à partir pour des raisons diverses et variées. Les spectateurs en comprendront les raisons par l’action puisque ce soir-là, sur la scène on ne parlait pas.
Dans «Petit mal» joué au Le-Maillon à Strasbourg, domine le comportement masculin concurrentiel. Les conflits trouvent leur expression dans le combat physique. Mais chacun des trois protagonistes en prend pour son grade et à la fin de la représentation, le bilan des bagarres est en quelque sorte «équilibré», ce que l’on pourrait considérer comme une petite consolation.
Après cette introduction, vous avez certainement du mal à vous imaginer qu’entre ses actions commandées par la testostérone, des numéros fantastiques d’acrobatie ont fasciné le public. Et pourtant, c’est comme cela.
Le spectacle de la troupe finlandaise «The race horse company» n’est ni un drame intellectuel, ni une critique sociale. Il s’agit plutôt d’un show très singulier, qui colle à notre époque et qui prouve que des costumes à paillettes sont inutiles quand il s’agit de montrer des numéros d’acrobatie passionnants.
Kalle Lehto, un ancien champion de break dance, Petri Tuominen, un maître à la barre et Rauli Kosonen qui réinvente le saut de trampoline, font «bouillir» la salle. Pendant de longs passages, on a l’impression que les numéros auxquels on assiste ne sont pas particulièrement spectaculaires. On a cette étrange impression puisqu’aucun des athlètes n’attend d’applaudissements du public, mais ils continuent tous à bouger sur la scène, sans jamais s’arrêter, montrant ainsi une maîtrise totale de leurs corps, une maitrise combinée de force et de créativité.
Tout ce qui est montré l’est sans ostentation: qu’il s’agisse de grimper à trois sur une barre tout en se faisant mutuellement obstacle ou de glisser avec élan sur le ventre sur de grands ballons de gymnastique bleus. La lumière du stroboscope alors que Kosonen fait ses saltos vertigineux sur le trampoline, met tout simplement la vie de l’acrobate en danger, puisque les éclairs de lumière peuvent lui faire perdre son sens de l’orientation. Tout ceci est le résultat de la mise en scène de Maksim Komaro qui est connu en Finlande pour son travail dans le milieu du cirque. Mais ce ne sont pas que les numéros d’acrobatie qui distraient les spectatrices et spectateurs. Les nombreux gags avec les pneumatiques de voiture et de poids lourds ainsi que les accessoires de gymnastique donnent un coup d’accélérateur supplémentaire. C’est hilarant de voir avancer maladroitement les acrobates habillés en bonhomme de pneumatiques ou de les observer en tenue de jeune fille qui s’active sur deux pneus différents comme si elle était «coupée» en deux morceaux. Le numéro du cheval dansant fait carrément basculer le spectacle vers le grotesque : à l’intérieur du cheval qui voudrait bien être monté par un montagnard canadien se cachent deux acrobates. Et bien entendu, au moment même où le cavalier est sur le point d’enfourcher sa monture, le cheval «se sépare en deux» pour se transformer en «diva chevaline à la crinière opulente » qui cherche à séduire le malheureux. Ce numéro arrive de façon inattendue mais il arrive à point. Il se glisse entre tous les autres numéros qui eux se satisfont de quelques accessoires modestes. En faisant un parallèle avec «l’arte povera» on pourrait définir ce spectacle comme «circo povero» : l’équipement est minimaliste ; des objets du quotidien qui ont fini leur vie depuis longtemps sont réutilisés de façon intelligente.
«The race horse company» démonte les impressions que véhicule habituellement le cirque pour les redonner d’une autre, d’une nouvelle manière, c’est ça la clé de leur réussite. Les salles combles parlent pour elles-mêmes.
Texte traduit de l’allemand par Andrea Isker
Dieser Artikel ist auch verfügbar auf:
Allemand