Une Mise en scène montrée dans le cadre du «Festival Premières» à Strasbourg.
Film et théâtre, danse et littérature – rien ne reste seul, tout s’entrelace, tout reste pur.
SIG Sauer Pro – un projet de théâtre du collectif français «Le Plateau» réunit dans cette mise en scène unique tout ce que proposent théâtre, film et littérature. De cette façon, ce projet est plus près de la vie qu’aucune autre forme artistique. SIG Sauer Pro – c’est le nom d’un certain modèle de révolver semi-automatique qui, chargé à blanc, est utilisé à plusieurs reprises au cours de la pièce.
Sur la scène, un écran géant. Devant l’écran une table avec trois chaises et encore devant, au bord de la scène, plusieurs moniteurs.
Trois jeunes femmes avec des micros à la main prêtent leurs voix aux personnages du film projeté sur l’écran. A l’aide des techniques informatiques, leurs voix sont déformées en direct et on comprend qu’elles joueront les rôles féminins et masculins du film. Sur les moniteurs en avant-plan est affichée l’image de celui dont on entend la voix. Mais on lit aussi des explications scéniques, comme si les images montrées avaient besoin d’explications complémentaires. Un entrelacs dans l’entrelacs de l’entrelacs – et qui fonctionne !
Le film, réalisé par Keren Ben Rafaël, ce sont des gros plans d’un petit village quelque part dans les Pyrénées au milieu d’un paysage désolé. Rien n’est joli. Tout est froid et gris. Un chien aboie, on entend la détonation d’un tir. Une voiture apparaît et se gare devant une petite maison de ferme. A l’intérieur de la maison, un vieil homme assis dans un fauteuil est en train de se saouler. Il appuie le canon d’un fusil contre son menton – et tire. La main du grand-père montrée en gros plan est inondée de sang. En vain ! On apprend que le grand-père n’atterrit pas du tout là, où il avait imaginé atterrir, mais qu’il tombe «seulement» dans le coma.
On fait ses courses dans une petite épicerie – on n’achète pas de pastis, mais des cigarettes et du whisky américain. On ne prépare pas de cassoulet, on fait plutôt des frites dans la friteuse. On conduit comme dans des films de gangsters américains : Les policiers s’amusent, le gyrophare allumé sur le toit de la voiture, jusqu’à ce que l’un de leurs collègues ait un accident mortel. On tue un poulet, on le plume, ensuite il reste suspendu tout nu dans le garde-manger.
Une femme d’un certain âge se maquille juste avant d’aller au lit, se couche et lit un peu. La caméra se trouve tout près d’elle. La coulisse sonore monte en puissance, on sait, se rappelant les films d’Hitchcock, que quelque chose se prépare. On aimerait être moins près de l’action. Un jeune homme arrive en voiture devant la maison dont quelques fenêtres sont encore éclairées. On entend une voix féminine : « C’est toi ? Qu’est-ce que tu fais ? » « J’ai besoin d’argent ! » Le dialogue dégénère en dispute, jusqu’à ce que le jeune homme quitte la maison et s’en va au volant de sa voiture. Le garçon dont le père est décédé dans cet accident de voiture et dont la mère partage sa vie avec un nouveau compagnon, se plante un clou dans l’orteil : Il ne sera plus obligé de s’entraîner dur à la course à pied avec son beau-père pendant quelques semaines ! Sa mère apprend que l’accident de feu son mari a été provoqué par l’un de ses collègues policiers. Elle fait du chantage, et explique à la fin du film à son fils, qu’elle est devenue riche : Elle a gagné 12.500 € !
Le fil conducteur de cette histoire, constituée de destinées isolées, sans que l’on réussisse à reconstituer le puzzle, est très réellement compréhensible. Des drames, identiques ou différents, se jouent des centaines, des milliers fois à la campagne. On a à faire à des gens, qui vivent tout près les uns des autres, s’aimant ou se haïssant. Des gens pour qui la vie à la campagne n’est pas idyllique, mais si dure qu’elle est à peine supportable. Coupés de la vie palpitante des grandes villes que leur montrent les médias, ils cherchent par tous les moyens de rester dans la course. Ils courent après une vie télévisée qui leur est devenue plus familière que leur propre vie. Attirés par un mouvement qui emporte tout et qui sévit jusqu’aux derniers recoins du plus petit village, ils se sont éloignés de plus en plus de la vie régionale, traditionnelle.
Grâce aux effets sonores, aux séquences de film poignants et grâce aux acteurs sur la scène, le metteur en scène Jacques Albert réussit à faire rentrer le public littéralement au cœur de l’action. Le public devient la partie d’un tout et se sent concerné, même s’il reste passif. Comme tous ceux dans le petit village qui ne font que regarder, qui restent passifs, qui ne bougent pas et qui restent sans jamais rien dire.
SIG Sauer Pro est plus qu’un projet expérimental : il s’agit bel et bien d’une mise en scène passionnante, d’une maturité incontestable. Une œuvre qui emprunte de nouveaux chemins artistiques et qui montre comment des mises en scène contemporaines peuvent fonctionner.
Vie et fiction, désir et réalité : rien ne reste seul, tout s’entrelace, tout reste pur.
Texte traduit de l’allemand par Andrea Isker
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