«Le songe d’une nuit d’été » de Shakespeare – une fête de théâtre enivrante !
Quelle folle soirée de théâtre! Emplie de langage, de musique, pleine d’acteurs vivants mais aussi d’un public qui plus d’une fois endossait le rôle d’acteur
« La nuit surprise par le jour » c’est le nom d’une troupe de théâtre parisienne dont on devrait se souvenir. Dirigés par Yann-Joël Collin, leur membres ont réussi de garder l’équilibre dans leur numéro de funambules : Jouer Shakespeare pendant quatre heures, s’amuser et emmener le public dans ce voyage improbable !
De toutes les pièces du titan Shakespeare « Le songe d’une nuit d’été » est certainement la plus jouée. Et la plupart du temps, malgré une apparence parfois moderne, elle est volontiers minimisée à une sorte d’histoire de fées d’un âge certain !
Pas cette fois-ci : La représentation était emprunte de fraîcheur et de modernité. Elle était drôle, fantastique, et lyrique, pleine de suspens, de surprises et de peps.
Elle est allée chercher le public, jeune et moins jeune, là où il se trouve en général : Devant la télévision le soir. Pendant que les spectateurs étaient encore en train de chercher leurs places respectives, un caméraman les filmait pendant ces préparatifs pour une soirée au théâtre. Ces images étaient projetées sur une immense toile, qui représentait au début encore le quatrième mur du théâtre, celui devant lequel se joue une pièce d’habitude. De cette façon on mettait un coup d’accélérateur dans l’action – sans qu’il y ait eu action.
C’était parti : Le premier personnage « shakespearien », Theseus, le comte d’Athènes faisait son apparition. Tout à fait dans le style d’un animateur d’une émission télé il trottait derrière la dernière rangée de sièges du public et lançait ses premières phrases destinées à l’auditoire dans le micro. Lui aussi était filmé en direct et l’image projetée immédiatement. A partir de ce moment là, les choses étaient claires : Ҫa c’était du Shakespeare façon ultramoderne. Et c’était le cas jusqu’à la fin. Une interprétation légère agrémentée d’une bonne dose d’humour portait la pièce jusqu’au bout. Rien, mais alors rien dans cette mise en scène était prise au sérieux. Les scènes conçues par l’auteur pour être comiques, comme par exemple celle où des artisans essaient d’organiser la représentation d’une petite pièce à l’occasion du futur mariage de Theseus et Hyppolyta deviennnent un jeu grandiose dans lequel le théâtre se fête soi-même. Les prestations étaient « assaisonnées » avec du burlesque et des pitreries, jouées par des personnages peu nombreux, mais littéralement habités par la joie du jeu. Comme ceux que l’on peut trouver sur les plus grandes scènes de théâtre.
Cyril Bothorel, dont la prestation commençait sans crier gare, car il se trouvait au milieu du public, à réussi à captiver les spectateurs dès la première seconde, tant son jeu était excellent :
Bien cent fois, il prenait la parole, tout en s’excusant, il improvisait avec le public tout au long de la soirée et a même réussi à faire fuir un jeune spectateur à l’entre-acte. Sa « mort de scène » à la fin de la pièce qui durait bien 10 minutes faisait pleurer de rire toute la salle – ça, c’’était la quintessence du jeu d’acteur ! L’idée de faire jouer très peu d’acteurs, de sorte que certains jouent deux, voir trois rôles dans la pièce n’est pas nouvelle en soi, mais dans cette configuration particulière, elle était très réussie. Déjà dans la pièce originale de Shakespeare, plusieurs niveaux de compréhension se superposent. Le tour de force ici c’était d’avoir coupé la pièce en deux et de faire jouer en parallèle des acteurs en costumes de théâtre et d’autres en tenue de ville. De cette façon la transposition du thème de l’amour et de l’aveuglement dans le présent, ici et maintenant, était une réussite totale. Surtout les agissements avec la caméra, qui était parfois tenue par les acteurs eux-mêmes transportait la scène au milieu des spectateurs. Sans oublier les « recrues » trouvées directement dans le public comme celle qui en tant que « lune » était censée éclairer la scène des artisans. « La lune », malgré un début sur scène un peu «difficile », a fini par trouver son rôle à son goût et récoltait des applaudissements généreux – sans doute dus aussi au soulagement de ne pas avoir été choisi. Personne pourtant n’était à l’abri d’être sous les feux de la rampe: Même au dernier rang, là où se trouvait contre toute attente le troll Puck, qui cherchait son salut en se jetant courageusement sur les genoux de trois spectatrices dans le but d’échapper à Oberon.
Les parties musicales faisaient penser aux prestations des danseurs de rock, mais aussi aux divers shows télévisés que l’on apprécie à travers toute l’Europe. Et c’était un excellent moyen d’échapper à l’ambiance historique, magique et voletante, qui de nos jours n’est plus vraiment comprise et qui occasionne des longueurs dont on peut se passer. Chose que l’on a évité ici. Toutes les parties chantées n’étaient pas dignes d’un opéra – mais de toutes les façons, on ne donnait pas d’opéra ce soir-là. De petits « couacs » comme l’absence de volume dans les aigües et dans les basses accentuaient encore le caractère du théâtre improvisé et avaient toutes les sympathies du public. Ils sont certainement imputables aux extrêmes exigences de cette pièce : Les acteurs doivent « remplir » de leurs voix un hall énorme sans l’aide de microphones pendant quatre heures !
La disparition de la toile de scène, ce qui pour finir permettait d’embrasser la totalité du hall du regard et réunissait la scène et le public, n’était que la conséquence logique du jeu qui posait la question : Où commencent le théâtre et la scène, où se mélangent fiction et réalité ? La traduction du texte par Pascal Collin contribue aussi au succès de la mise en scène. Il a su transposer la langue de Shakespeare à un niveau compréhensible, tout en gardant la tendresse et la brusquerie contenues dans le texte original.
Les plaintes déchirantes d’Hermia et Hélène, le chahut plein de malice entre Oberon et son Puck, l’aveuglement de Lysander, Demetrius et Titania, merveilleusement symbolisé par les traits rouges sous leurs yeux, les numéros désopilants du lion et du mur, interprétés par les deux musiciens, qui accompagnait par moment l’action avec leurs instruments en plein milieu de la scène : Tout cela mériterait encore des pages et des pages de louanges. Mais pour faire court : Du très, très grand théâtre contemporain et enfin décontracté qui restera pour très longtemps dans les mémoires.
Applaudissements pour : Cyril Bothorel, Paus Breslin, Xavier Brossard, Marie Carièe, John Carroll, Yannik Choirat, Pascal Collin, Issa Dakuyo, Christian Esnay, Delphine Léonard, Éric Louis, Elios Noel, Alexandra Scicluna et tous les autres participants !
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