Lorsque le nom de Shakespeare est évoqué, la plupart d’entre nous pensent probablement aux drames royaux comme Lear, Macbeth ou Hamlet. Mais pour trouver quelqu’un qui a vu Coriolanus, il faut chercher longtemps. La compagnie de théâtre « wortwiege » y remédie justement lors de son festival « Europa in Szene ». Anna Maria Krassnigg, créatrice de théâtre et professeur de mise en scène au Max Reinhardt Seminar, a invité deux anciens étudiants de sa classe de mise en scène à présenter leur travail de fin d’études lors de l’édition actuelle du festival. Azelia Opak s’est plongée dans ses recherches pour présenter l’ascension et la chute du patricien romain Coriolanus avec une troupe de jeunes acteurs déjà confirmés et deux membres du « wortwiege ». Il s’agit de la dernière œuvre de Shakespeare et elle est généralement considérée comme mature. Ses différentes interprétations sont peut-être à l’origine du fait qu’elle n’est pas souvent jouée.
Formé dès l’enfance au combat, Coriolanus, poussé par sa mère, se présente à la fonction de consul romain. Il s’est déjà bien battu pour cela et pourrait montrer au peuple plus de 20 cicatrices, comme il était d’usage avant son entrée en fonction, afin de prouver qu’il est fidèle à Rome. Il le pourrait, si ce n’était sa fierté inflexible. C’est finalement lui qui le fait tomber. Quelques siècles après Shakespeare, il y aura un deuxième personnage appelé Michael Kohlhaas, qui se montrera aussi inflexible que Coriolanus, même si le motif est différent.
Mais avant d’en arriver là, Opak présente les personnages de Shakespeare dans toute leur complexité psychologique : Coriolanus (Lukas Haas), l’inflexible, qui ne reste pas fidèle à ses principes une seule fois, mais qui peut être considéré comme une tête de mule par excellence. C’est formidable de voir comment Haas peut se mettre à parler avec une furie qui fait presque peur. Sa mère Volumnia (Judith Richter), qui, à l’instar des mères sportives d’aujourd’hui, exige tout de son fils pour pouvoir finalement se prélasser dans sa gloire. Ménénius Agrippa (Jens Ole Schmieder), membre de la caste des élites, qui conseille Coriolanus avec bienveillance afin de ne pas compromettre sa propre position. Tullus Aufidius (Philipp Dornauer), vaincu à plusieurs reprises par Coriolanus, n’attend que le moment opportun pour se venger. Malgré sa jeunesse, Dornauer est un combattant au sang chaud, mais il met une grande dose de réflexion dans chacune de ses actions. Junius Brutus (Paul Hüttinger), l’un des premiers tribuns du peuple, a rapidement appris comment fonctionnent les intrigues politiques. Bien que ses attributs extérieurs, comme une grosse chaîne en argent autour du cou, indiquent qu’il est proche des citoyens, Hüttinger confère à son tribun beaucoup de ruse et de perfidie. Enfin, Sicinius Velutus (Uwe Reichwaldt), le deuxième tribun du peuple, qui, dans la mise en scène d’Opak, se faufile à travers toutes les situations dangereuses comme un fonctionnaire-esclave autrichien et qui a la sympathie du public de son côté.
Un décor extrêmement intelligent (Felix Huber) permet de séparer le long espace scénique. Une porte tournante ronde, peinte en or brillant sur la face avant et en noir sur la face arrière, indique si l’action se déroule à Rome ou chez les ennemis de Rome, les Volsques. Après la dernière bataille gagnée, Coriolanus barbouille de ses propres mains de sang le grand miroir de l’abside de la scène, montrant ainsi clairement que ses combats n’ont pas coûté qu’une seule vie humaine.
L’idée d’accompagner la production d’une musique en direct est non seulement formidable, mais elle a également un sens dramaturgique. Boglarka Bako et Marie Schmidt entonnent régulièrement le motif de Coriolanus de Beethoven sur leurs instruments à cordes, avec de petites variations. Cela permet également de souligner les moments où le patricien se comprend tout à fait dans son élément de chef du peuple et de souverain noble, qui s’arroge le droit de prendre ses décisions sans le peuple, qu’il considère en fait comme gênant et dispensable. Les deux musiciennes sont assises à gauche et à droite, au fond de la scène, de telle sorte que l’on puisse les percevoir, mais qu’elles ne perturbent pas le jeu sur la scène limitée.
La mise en scène ne vit pas seulement du fait qu’elle montre différentes conceptions d’un système étatique réussi et leurs représentants respectifs. La mise en scène se nourrit également de moments forts et émotionnels, comme celui où la mère de Coriolan se jette à genoux devant lui et lui demande la clémence pour Rome. La façon dont elle s’accroche à lui peu après montre clairement le lien fatidique qui l’unit à son fils. Avec cette scène, Judith Richter laisse un souvenir indélébile. Mais Jens Ole Schmieder réussit également à montrer ce qu’est le grand art dramatique lors d’une apparition presque sans paroles. La manière dont il pousse les tribuns du peuple sur le côté de la scène avec des claquements de doigts brefs et méprisants et ne les laisse pas s’asseoir au milieu, est à fleur de peau et le rend à ce moment-là profondément détestable.
En fin de compte, il n’est pas vraiment possible de déterminer qui est bon et qui est mauvais. Comme dans la vie réelle, il n’y a pas vraiment de noir ou de blanc dans cette pièce. Ce qui reste, c’est la prise de conscience que la politique, hier comme aujourd’hui, est faite par des hommes. Par des gens qui, d’une part, sont là où ils sont en vertu de leur propre volonté et qui, d’autre part, ont conquis une place grâce à leurs liens familiaux ou politiques, pour lesquels ils sont prêts à faire des sacrifices personnels, mais aussi à marcher sur des cadavres.
Le fait que la pièce semble avoir été conçue pour les casemates de Wiener Neustadt est un autre atout de la mise en scène. Les autres représentations seront encadrées par des discussions de salon, mais aussi par un nouveau format. Avec « Reden », des discours de personnes célèbres, que l’on ne connaît généralement que par ouï-dire, sont rejoués. Une autre idée artistique géniale qui éclaire sous un autre angle le vaste champ du « pouvoir » dont il est finalement question lors de « Szene Europa » dans les casemates de Wiener Neustadt.
Cet article a été traduit avec deepl.com
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